Valérie Pécresse dénonce le double langage du gouvernement à l’égard des Arméniens


Valérie Pécresse dénonce le double langage du gouvernement à l’égard des Arméniens

  • 02-12-2015 17:53:39   | Arménie  |  

Nouvelles d’Arménie : La sympathie de la communauté arménienne à l’égard de la droite, que Nicolas Sarkozy avait réussi à capitaliser dans sa fin de mandat, s’est considérablement étiolée, notamment à Paris, avec les initiatives de quelques mairies LR, qui ont organisé des opérations de promotion en faveur de l’Azerbaïdjan, présenté comme une « terre de tolérance ». Comment vous situez-vous par rapport à ces événements ? 

Valérie Pécresse : 
Je n’ai rien à voir avec ces événements dont je n’ai pas été à l’initiative et auxquels je n’ai pas participé. En revanche, j’apporte mon soutien depuis des années aux différentes manifestations de la communauté arménienne : par exemple cette année, j’ai participé au diner du CCAF le 28 janvier, le 22 avril, j’étais également présente au concert de l’UGAB pour les 100 ans du génocide et le 24 avril à la commémoration du génocide arménien. Chaque fois, que je le peux, je ne manque pas une occasion pour témoigner mon soutien et mon amitié aux Arméniens de France, dont l’histoire est tragique et le parcours exemplaire. J’ai d’ailleurs rendu hommage à plusieurs reprises au rôle joué dans la résistance française par le groupe Manouchian.

Nouvelles d’Arménie : Si on fait le bilan de ces trente dernières années, la gauche semble d’une manière générale beaucoup plus sensible que la droite aux problématiques touchant les Arméniens ou les chrétiens d’Orient, toujours en butte dans la région à des logiques génocidaires. Entre le marché et les droits de l’homme, il semble que pour la droite ce sont toujours les intérêts du marché (et donc en l’occurrence de la Turquie par rapport aux Arméniens) qui l’emporteront. Comprenez-vous ce ressenti ? 


 Valérie Pécresse :Beaucoup d’Arméniens pensent le contraire. Ils ont remarqué que le président Hollande s’est rendu deux fois en Azerbaïdjan en 2014 et 2015.

C’est sous le gouvernement actuel en décembre 2014 que s’est conclue la vente à l’Azerbaïdjan par Airbus Industrie d’un satellite à très haute précision (1,5m au sol), entrainant des protestations en raisons des incidences que cela pourrait avoir sur la sécurité du Karabakh.

J’ajoute que la circulaire signée le 2 juillet 2015 par Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve et qui interdit aux collectivités territoriales françaises toute coopération décentralisée avec le Karabakh est une première. Aucun gouvernement précédent, aucun Président de la République, ni Mitterrand, ni Chirac, ni Sarkozy n’avait pris une telle initiative.

Je vous rappelle enfin que c’est sous l’impulsion de Jacques Chirac, en 2001, que la France a reconnu publiquement le génocide de 1915 par l’adoption d’une loi, malgré les pressions qui pesaient sur notre pays. Notre famille politique a également souhaité en 2011 pénaliser la négation du génocide arménien, sans se soucier d’éventuelles mesures de rétorsion diplomatiques ou commerciales. À aucun moment nous n’avons fait primer les intérêts économiques de notre pays sur la reconnaissance des souffrances du peuple arménien.

Je vous avoue que je ne peux également que m’étonner de votre analyse de la mobilisation en faveur des chrétiens d’Orient puisque, au contraire, j’ai été parmi les premières personnalités politiques à tirer la sonnette d’alarme et à alerter l’opinion sur les atrocités commises par l’Etat islamique. Dès l’automne 2013, j’ai tenu à rencontrer avec Patrick Karam, président de la Coordination Chrétiens d’Orient en Danger (CHREDO), les principaux représentants des communautés chrétiennes du Levant sur le territoire français. J’ai d’ailleurs auditionné deux fois à l’Assemblée Nationale les représentants religieux arméniens en France comme les associations afin d’entendre leur témoignage sur le deuxième génocide que subissent les Arméniens en Syrie et en Irak. Durant l’été 2014, peu après la prise de Mossoul, je me suis rendue sur place, en Irak avec François Fillon et Jérôme Chartier. J’ai été profondément marquée par nos échanges avec des familles chrétiennes des camps de Baharka et Ankawa qui avaient tout laissé derrière elles.

De ces rencontres bouleversantes est née l’idée d’une mobilisation générale des parlementaires de la République, transcendant les clivages partisans. Ce groupe d’études consacré à la cause des chrétiens d’Orient, que j’ai créé et que j’ai l’honneur de coprésider avec Véronique Besse, regroupe aujourd’hui 130 députés de droite, de gauche et du centre. C’est l’un des plus importants du Parlement. Il nous a pourtant fallu nous battre, notamment face à l’inertie de la présidence de l’Assemblée nationale, qui refusait sa constitution. Je ne peux pas aujourd’hui laisser dire que notre famille politique s’est désintéressée de cette cause.

Nouvelles d’Arménie : En quoi votre élection à la tête de la région Île-de-France peut-elle être porteuse d’espoir pour les Franciliens d’origine arménienne, tout à la fois attachés à la qualité de vie de leur lieu de résidence, au respect de leur mémoire dans le cadre du « vivre ensemble », mais aussi à la sécurité de l’Arménie et du Haut-Karabakh, ainsi que celle de leurs coreligionnaires aux Moyen-Orient ?

Valérie Pécresse :Le dynamisme de la communauté arménienne francilienne est connu de tous. Elle participe pleinement au rayonnement de notre territoire. Je ferai de la Région un interlocuteur privilégié des associations et institutions culturelles arméniennes qui font vivre quotidiennement le dialogue des cultures en Île-de-France. Il est plus que temps qu’aboutisse enfin le projet de Centre de Mémoire et de Civilisation Arménienne dans notre région. Il permettrait de graver dans la pierre l’amitié qui unit la France et l’Arménie, tout en accordant une véritable visibilité à une civilisation qui demeure un point de jonction entre Orient et Occident.

La cause des chrétiens d’Orient, qui m’accompagne depuis 2 ans, restera l’un de mes combats à la tête du Conseil régional. Je mobiliserai pleinement la compétence régionale de soutien au monde associatif pour continuer à porter la cause de ces communautés opprimées. Paris et la France incarnent aux yeux du monde entier un idéal inaltérable de liberté et de tolérance. À ce titre, notre Région-capitale doit apporter un soutien indéfectible aux minorités persécutées.

Enfin, je souhaite donner une nouvelle dimension à la coopération décentralisée que le conseil régional entretient depuis 2011 avec Erevan. Je suis en effet convaincue qu’on peut aller beaucoup plus loin dans le partenariat entre la région Ile-de-France et la Région d’Erevan.

Propos recueillis par Ara Toranian

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