De Harut Sassounian. L’ambassadeur américain en Arménie confronté à des critiques lors d’une présentation à Glendale


De Harut Sassounian. L’ambassadeur américain en Arménie confronté à des critiques lors d’une présentation à Glendale

  • 21-03-2016 11:22:45   | USA  |  Articles et analyses
Richard Mills, l’ambassadeur américain en Arménie, s’est exprimé le 10 mars à la prélature ouest de La Crescenta en Californie, lors de sa tournée des communautés arméniennes aux États-Unis, visant à leur présenter son travail diplomatique en Arménie. 
 
Dans son allocution de bienvenue, l’archevêque Moushegh Mardirossian, prélat de la prélature ouest de l’Église apostolique arménienne, a exprimé l’espoir que « les États-Unis, en tant que défenseurs de la justice et des droits humains, rejoindront en temps utile les nombreuses nations qui ont formellement reconnu l’indisputable véracité du génocide arménien. » 
 
L’ambassadeur Mills a parlé des progrès que l’Arménie a effectués ces deux dernières décennies et il a présenté les quatre thèmes prioritaires de l’ambassade américaine : 
 
1) Approfondir les relations d’affaires et commerciales entre l’Arménie et les États-Unis ; 
2) Lutter contre la corruption ; 
3) Renforcer la démocratie, les droits humains et la société civile ; 
4) Créer une meilleure compréhension des objectifs de la politique étrangère américaine. 
 
L’ambassadeur a expliqué que les États-Unis encouragent la réconciliation entre l’Arménie et la Turquie en continuant à soutenir les protocoles signés en 2009, mais non ratifiés. Concernant le centenaire du génocide arménien, l’ambassadeur a déclaré que « les Arméniens ont été massacrés et envoyés dans des marches de la mort par l’Empire ottoman », évitant soigneusement le terme de ‘génocide arménien’. 
 
À la fin de la présentation de l’ambassadeur, j’ai eu le privilège de pouvoir poser la première question. J’ai fait le commentaire suivant avec respect : 
 
« Je sais que les ambassadeurs ne décident pas de la politique étrangère américaine. Vous êtes simplement le messager. J’aimerais dire publiquement qu’il est extrêmement choquant pour la communauté arménienne que vous veniez ici et n’utilisiez pas le mot génocide pour décrire ce que les Arméniens ont subi en 1915. Je ne vous fais pas de reproches. Ce n’est pas de votre faute ! Vous savez ce qui s’est passé et le gouvernement américain sait ce qui s’est passé. Depuis 1951, des responsables américains ont reconnu à maintes reprises le génocide arménien. J’ai écrit un livre qui documente la reconnaissance américaine du génocide arménien et je serai ravi de vous l’offrir. Les Arméniens et les non-Arméniens dans le monde ne comprennent pas pourquoi le gouvernement américain est désormais réticent à utiliser un mot qui décrit un fait reconnu depuis longtemps. Cette réticence pénalise les États-Unis lorsque ses responsables donnent des leçons aux Arméniens en Arménie en matière de démocratie, de morale et de justice, alors qu’ils ne respectent pas leurs propres principes. Le gouvernement américain devrait donner l’exemple au reste du monde ! Je vous utilise en tant que messager. Je vois que l’un de vos collègues du Département d’État vous accompagne. J’espère que vous transmettrez mon message à vos supérieurs à Washington. » 
 
L’ambassadeur Mills a répondu brièvement ce qui suit : « Ma seule réponse sera de réitérer l’objectif du président Obama, qu’il a fixé dans sa déclaration du 24 avril : ‘Nous voulons du gouvernement turc et du peuple turc une reconnaissance juste, franche et totale de ce qui s’est passé.’ » 
 
Malheureusement, l’ambassadeur américain n’a fait que suivre la lamentable réticence du président Obama à prononcer les mots ‘génocide arménien’, en dépit de ses promesses répétées de le faire, quand il était candidat. 
 
Indépendamment du fait que le président Obama prononce ou non le terme génocide, il n’en reste pas moins que les États-Unis ont plusieurs fois reconnu le génocide arménien à un niveau présidentiel et parlementaire. 
 
Toutefois, la communauté arméno-américaine et les Arméniens dans le monde ont l’obligation de s’opposer à toute tentative visant à minimiser ou déformer la caractérisation correcte du génocide arménien et à la réprouver. Se taire quand on entend une terminologie aussi répréhensible c’est insulter la mémoire des martyrs arméniens, en particulier lorsque des euphémismes inacceptables sont prononcés dans des salles paroissiales de l’Église arménienne et des centres communautaires. 
 
L’ambassadeur Mills a sans doute été surpris par la réaction défavorable du public à ses déclarations, non seulement sur le génocide arménien, mais aussi quand il a affirmé à tort que la Turquie combattait Daech ! 
 
Malheureusement, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que chaque ambassadeur/ambassadrice américain(e) sacrifie sa carrière en disant la vérité, comme l’a fait John Evans, l’ex-ambassadeur américain en Arménie. Lors d’une tournée similaire des communautés arméniennes aux États-Unis, il a ouvertement reconnu le génocide arménien et en a payé le prix fort. 
 
L’ambassadeur Mills devrait être salué pour ses initiatives d’amélioration des relations USA-Arménie. Cependant, ses supérieurs à Washington devraient être conscients du fait que son bon travail est sapé par les jeux honteux sur les mots, concernant le génocide arménien. 
 
De Harut Sassounian
The California Courier 
 
 
 
 
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