Harut Sassounian.Un juge qualifie Erdogan de ‘Président fou’ lors d’une audience d’un procès arménien


Harut Sassounian.Un juge qualifie Erdogan de ‘Président fou’ lors d’une audience d’un procès arménien

  • 17-08-2016 14:09:48   | USA  |  Articles et analyses
Le 4 août à Pasadena en Californie, la Cour d’appel des États-Unis du 9e circuit a entendu les arguments oraux concernant deux procès relatifs à des propriétés arméniennes confisquées par la Turquie en 1915-1923 : Bakalian et Davoyan contre la République de Turquie, la Banque centrale et la Banque Ziraat. Un tribunal de district avait rejeté ces procès en 2013 au motif qu’ils traitaient d’un problème politique relevant de la compétence des élus et non des tribunaux.
 
Les plaignants arméniens étaient représentés par Kathryn Lee Boyd, de Brownstein Hyatt Farber Schreck, et Mark Geragos de Geragos & Geragos. La partie turque était représentée par Neil Soltman de Mayer Brown. Le groupe des juges de la Cour d’appel fédérale était composé d’Alex Kozinski, Stephen Reinhardt et Kim Wardlaw.
 
Les trois juges ont déclaré que puisqu’un pays souverain avait le droit de s’approprier les biens de ses citoyens, une cour américaine n’aurait pas la compétence d’intervenir dans de tels cas, à moins qu’ils ne soient associés à des violations du droit international ou à un génocide.
 
À plusieurs reprises, le juge Kozinski a remis en question les références au génocide arménien, car dans l’un des deux procès le génocide était mentionné comme une des raisons de ce procès. « Notre gouvernement a résisté au fait de qualifier cela de génocide. Notre gouvernement a été assez catégorique, pour autant que je puisse dire, cela n’était pas un génocide », a soutenu le juge Kozinski. « Les cours fédérales doivent prendre une position qui est possiblement contraire à la position adoptée par notre gouvernement, par la branche exécutive de nos gouvernements depuis des décennies. »
 
Lorsque Geragos a informé le juge Kozinski que la Chambre américaine des Représentants et le président Reagan avaient reconnu le génocide arménien, le juge Kozinski fait cette réponse bizarre : « Le président Reagan n’a pas été président pendant des décennies. »
La remarque du juge n’a aucun sens. Les faits du génocide et sa reconnaissance n’ont pas changé parce que ces événements tragiques ont eu lieu il y a des décennies ! De fait, le gouvernement américain a reconnu le génocide arménien en 1951 dans un document officiel soumis à la Cour mondiale.
 
Pendant l’audience, le juge Kozinski a constamment demandé si les avocats des plaignants seraient d’accord pour mettre de côté la question du génocide arménien pour ce procès précis. Geragos a finalement accepté afin d’ouvrir la voie avec ce procès, car il y a une dizaine d’autres violations turques du droit international qui sont conformes aux exigences de la compétence.
 
L’avocate Boyd a souligné le fait qu’il n’était pas nécessaire de prouver un acte de génocide pour ouvrir un procès en vertu du Foreign Sovereign Immunity Act (FSIA) [Loi américaine relative à l’immunité souveraine des pays étrangers] de 1976. En fait, « les crimes contre l’humanité » sont aussi des violations du droit international. Le 29 mai 1915, la France, la Grande-Bretagne et la Russie ont publié une déclaration conjointe accusant le gouvernement turc de commettre des « crimes contre l’humanité et la civilisation » et l’ont prévenu qu’il serait tenu pour responsable de ces crimes.
 
Le juge Kozinski a également demandé pourquoi ces procès étaient intentés 100 ans après les faits, ce qui a incité Geragos à déclarer qu’il n’y avait pas de délai de prescription en vertu de la FSIA. Il a de plus déclaré que le temps écoulé ne faisait pas de différence, étant donné qu’il y avait une « violation continue », car la Turquie a conservé ces propriétés et n’a pas remis les loyers accumulés aux propriétaires arméniens pendant des décennies.
 
Geragos a également dit au juge Kozinski que le concept de nation souveraine s’appropriant les propriétés de ses propres citoyens ne s’appliquait pas dans ce cas, car les Arméniens avaient été dépouillés de leur nationalité par des décrets officiels turcs et déportés de leur pays.
 
Ce n’est qu’après que l’avocate Boyd ait expliqué au juge Kozinski que la confiscation des propriétés arméniennes par le gouvernement turc était « arbitraire et discriminatoire », que le juge a semblé comprendre le problème et s’est mis à expliquer à Neil Soltman, l’avocat du gouvernement turc, qu’il y avait une différence entre s’approprier une maison dans le Connecticut par expropriation forcée et confisquer des maisons appartenant à une race particulière ou à une religion, ce qui serait en violation du droit international, et, par conséquent, passible d’actions en justice devant des cours américaines.
 
Pour finir, une remarque assez informelle du juge Wardlaw, se référant au président turc Erdogan en termes de « ce président fou », pourrait être un signe que les officiels américains en ont marre des folles « singeries » d’Erdogan et de ce fait, pourraient donc permettre au système de justice de poursuivre une affaire traitant de graves violations des droits humains et de ne pas se cacher derrière une dissimulation judiciaire politiquement motivée.
 
La Cour d’appel fédérale devrait rendre son verdict dans les 90 prochains jours.
 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
 
 
 
 
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