Harut Sassounian. Les vaches européennes ne supportent pas les conditions de vie misérables en Azerbaïdjan


Harut Sassounian. Les vaches européennes ne supportent pas les conditions de vie misérables en Azerbaïdjan

  • 17-01-2013 10:16:23   | Azerbaïdjan  |  Articles et analyses

 

Pour rester dans l’esprit festif de la saison, mon dernier éditorial de l’année est consacré à un sujet joyeux ! 
 
Dans un article intitulé : « Le bétail importé n’est pas une aubaine bovine pour l’Azerbaïdjan », Seadet Akifkizi du service azerbaïdjanais de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL) a rapporté que le gouvernement de l’Azerbaïdjan a dépensé 23 millions de dollars pour importer « 4500 vaches avec pedigree d’Allemagne et d’Autriche, dans le but d’améliorer la qualité du bétail et accroître la production de lait. » On pensait que chaque vache européenne produirait 40 litres (10.5 gallons) de lait par jour, la vache azérie domestique n’en rapportant que 9 litres (2.4 gallons), a écrit Akifkizi. 
 
Malheureusement, le projet fut un échec et les fonds investis ont été gaspillés. De nombreuses vaches européennes de premier ordre n’ont pas pu survivre aux conditions de vie misérables en Azerbaïdjan ! 
 
Les responsables de Bakou ont reproché aux fermiers « de ne pas s’être correctement occupés des vaches importées, qui exigent apparemment un certain degré de chouchoutage. « L’analyste agricole azéri Vahid Maharramov explique que le bétail venu de l’étranger « exige une alimentation de haute qualité et une hygiène spéciale. » 
 
Les fermiers, quant à eux, se plaignent de ne pouvoir se permettre de prodiguer des soins luxueux et tant d’attention aux vaches étrangères, parce que « ce n’est pas rentable et cela mènerait à une augmentation drastique du prix de lait. » 
 
Le fermier Tarbiya Yusifova est mécontent que son grand investissement dans des vaches importées n’ait rien rapporté : « Le prix du lait que nous produisons est cher pour la plupart des clients, parce que le foin que nous achetons pour le bétail est très cher. » 
 
Voici comment fonctionne le programme « Achetez une vache » du gouvernement : les fermiers payent la moitié du prix des vaches en leasing à l’entreprise publique Agrolizink. Le solde doit être réglé dans les trois ans. Les fermiers doivent « avoir leur propre domaine de semis et se conformer aux directives strictes concernant leurs granges », a expliqué Akifkizi. « L’humidité et les éclairages doivent être parfaits et les régimes et les conditions d’hygiène doivent rappeler au bétail européen son pays natal. » 
 
Cependant, les conditions en Azerbaïdjan sont loin d’être idéales pour les vaches importées. Quand le journaliste de RFE/RL a visité la ferme de Firudin Hasanov au village de Qushchu, elle a appris que le fermier avait dû envoyer la plupart de ses 30 vaches avec pedigree à des parents vivant non loin de Bakou, parce qu’il était incapable de leur assurer les conditions de vie appropriées. 
 
Akifkizi décrit la ferme d’Hasanov comme « une grange sordide qui semble ne pas avoir été nettoyée pendant des mois. Elle est jonchée de fumier, les araignées grimpent aux murs et les mouches bourdonnent autour des conteneurs d’alimentation. » Hasanov a expliqué « qu’il ne pouvait pas se permettre d’améliorer ses granges, parce qu’à la campagne, il ne peut pas vendre son lait à un prix qui couvrirait ses coûts. » 
 
Mais le pire, c’est que les fermiers doivent payer le prix total à Agrolizink, quand bien même la vache mourrait prématurément. RFE/RL rapporte que « au moins 260 vaches importées sont mortes depuis 2009, ce qui équivaut à un montant d’environ 1,3 million de dollars de pertes. » On ignore combien de vaches se sont suicidées, car elles n’en pouvaient plus de ces conditions insupportables ! 
 
L’histoire prend un tournant encore plus inquiétant, lorsque le journaliste RFE/RL soulève des questions graves sur le prix des vaches européennes et l’identité des sociétés qui les ont importées. 
 
L’analyste agricole Maharramov note que « Les prix que l’on demande aux fermiers azerbaïdjanais de payer pour les vaches avec pedigree est nettement plus élevé que dans d’autres pays. » RFE/RL a révélé que « le bétail avec pedigree importé d’Autriche coûte 5000 dollars par tête, alors qu’en Turquie le prix est d’environ 3000 dollars. » 
 
Selon Agrolizink, trois entreprises peu connues ont gagné les offres pour importer des vaches européennes en Azerbaïdjan : Rista Alliance, Ninox Alliance et Swisspoint Merchants Limited, qui était enregistrée en Nouvelle-Zélande de 2009 à 2011. « Le site Internet du registre du commerce de Nouvelle-Zélande indique que la société a été dirigée par un citoyen letton nommé Inta Bilder », a découvert RFE/RL. Une recherche dans le registre a identifié « Bilder comme le directeur ou l’actionnaire de centaines de sociétés. Plus tôt dans l'année, le journal ukrainien Dzerkalo Tyzhniaavait rapporté qu’une de ces sociétés, Falcona Systems, était liée à une fraude présumée portant sur une valeur de plus de 150 millions de dollars, impliquant des sociétés publiques. » 
 
Maharramov a des soupçons. Il a déclaré à RFE/RL : « Étant donné que le gouvernement affecte des ressources budgétaires [pour acheter le bétail de l’étranger] à la hâte et sans aucune préparation, vous pouvez suspecter qu’il avait d’autres objectifs dans cette affaire. » 
 
Maharramov devrait être très prudent quand il parle d’animaux importés. En 2009, le blogueur azéri Emin Milli a été emprisonné pour avoir dit que le gouvernement de l’Azerbaïdjan avait payé des prix exorbitants pour des ânes importés ! 
 
 
De : Harut Sassounian 
Éditeur de : The California Courier 
Éditorial de Sassounian du 26 décembre 2012 
 
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 27 décembre 2012 –http://www.collectifvan.org/
 
 
 
 
 
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