Il y a quelques semaines, lorsque le nom du sénateur John Kerry a été pour la première fois mentionné comme successeur possible à la Secrétaire d’État Hillary Clinton, j’ai averti les Arméniens de ne pas trop s’enthousiasmer uniquement parce qu’un « bon ami » de la communauté arménienne pouvait assumer un poste aussi influent.
Malheureusement, il n’a pas fallu longtemps pour découvrir que mon avertissement était entièrement justifié. Malgré ses 30 années de soutien aux questions arméniennes, le sénateur Kerry a prouvé la semaine dernière, juste avant de prendre ses nouvelles fonctions, que même un « ami » aussi proche pouvait changer ses opinions de longue date, décevant ainsi la communauté arménienne.
Il est regrettable que le sénateur Kerry se soit révélé être peu différent du président Obama, du vice-président Biden et de l’ancienne Secrétaire d’État, Hillary Clinton. Lorsqu’ils étaient sénateurs américains et candidats présidentiels, ils ont tous fait de belles promesses en vue d’obtenir le soutien des électeurs arméno-arméniens qu’ils ont ensuite complètement ignorés une fois en poste.
Si d’aucuns peuvent soutenir que les Arméniens n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes s’ils ont fait confiance à des hommes politiques malhonnêtes, je crois que tous les électeurs ont le droit d’attendre des élus qu’ils tiennent leurs promesses. Sinon, mentir au public devient une pratique acceptable, sans perspective de pouvoir remplacer les élus malhonnêtes par des personnes honnêtes.
La semaine dernière, le sénateur Kerry a vécu une transformation express, lorsque pour la première fois de sa carrière il a évité d’employer le terme « génocide arménien ». Dans le passé, le sénateur Kerry avait vertement critiqué les Présidents et les Secrétaires d’État qui ne reconnaissaient pas le génocide arménien. Ironiquement, il refuse à présent de faire ce qu’il prêche pendant tant d’années !
Le sénateur Kerry a prouvé qu’il n’est plus l’homme qu’il était, lorsqu’il a répondu par écrit à des questions sur les questions arméniennes, soumises par les sénateurs Robert Menendez (Dém.- NJ) et Barbara Boxer (Dém.-CA), après son audience de confirmation de nomination devant la Commission des affaires étrangères du Sénat.
Quand on lui a demandé quelle était son opinion sur le génocide arménien, le sénateur Kerry a honteusement répété les euphémismes employés par le président Obama dans sa déclaration annuelle du 24 avril. Le candidat au poste de Secrétaire d’État, après avoir utilisé le terme « génocide arménien » tout au long de sa longue carrière de sénateur, s’est soudainement détourné de ce terme et a employé tout autre mot possible du dictionnaire anglais, sauf génocide.
Voici ce qu’il a déclaré :
« Le gouvernement américain déplore et reconnaît clairement, en tant que fait historique, que 1,5 million d’Arméniens ont été massacrés ou envoyés dans des marches de la mort, lors des derniers jours de l’Empire ottoman. Ces événements ont donné lieu à l’une des pires atrocités du 20e siècle, et les États-Unis d’Amérique reconnaissent qu’ils restent une grande source de douleur pour le peuple de l’Arménie et les descendants arméniens, comme pour nous tous qui partageons des valeurs universelles fondamentales. Le Président rend hommage aux victimes tous les 24 avril, le Jour du Souvenir, afin que nous n’oubliions jamais ce sombre chapitre de l’histoire. »
Dans une autre série de questions lui rappelant son propre soutien à des lois sur la reconnaissance du génocide arménien, le sénateur Kerry a esquivé le sujet en insistant sur le fait qu’il « représenterait fidèlement la politique du Président et de l’Administration. »
Les réponses du sénateur Kerry aux questions sur les protocoles Arménie-Turquie ont été tout autant décevantes. Il a souligné qu’il continuerait à soutenir les efforts ratés du président Obama et de la Secrétaire d’État Clinton, visant à exhorter l’Arménie et la Turquie à ratifier les protocoles. Il y a quatre ans, lors d’une rencontre privée, j’avais expliqué au sénateur Kerry, qui était alors président de la Commission des affaires étrangères du Sénat, pourquoi les protocoles Arménie-Turquie étaient voués à l’échec et allaient à l’encontre des intérêts nationaux de l’Arménie. À ce moment-là, le sénateur avait semblé trouver mes arguments convaincants. Il a désormais retourné sa veste pour soutenir la position de l’Administration Obama en ce qui concerne les protocoles, que la Turquie, sous la pression de l’Azerbaïdjan, a heureusement refusé de ratifier.
En réponse à une autre question écrite, le sénateur Kerry a indiqué qu’il serait enclin à rencontrer le leadership des organisations arméno-américaine, une chose que la Secrétaire Clinton et le président Obama ont refusé de faire au cours de ces quatre dernières années. Une telle rencontre fournirait une occasion d’expliquer au Secrétaire Kerry pourquoi l’Administration Obama perd son temps à essayer de pousser la Turquie à ratifier les protocoles. Les dirigeants turcs ont clairement indiqué qu’ils ne finaliseraient pas les protocoles tant que l’Arménie ne fera pas de concessions territoriales à l’Azerbaïdjan sur l’Artsakh.
Si les Arméniens-Américains ne sont pas satisfaits du brusque changement d’attitude du sénateur Kerry en matière de questions arméniennes, quelles que soient ses raisons, ils n’ont pas d’autre choix que de rencontrer le Secrétaire d’État en poste aujourd’hui. Le seul souhait des Arméniens est que, de temps en temps, ils puissent communiquer avec le VRAI John Kerry, celui qu’ils ont connu et aimé ces 30 dernières années !
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