Harut Sassounian.Dans un changement majeur de politique, l'Arménie exige des terres de la Turquie


Harut Sassounian.Dans un changement majeur de politique, l'Arménie exige des terres de la Turquie

  • 20-07-2013 11:14:20   | USA  |  Articles et analyses
Depuis l’indépendance de l’Arménie en 1991, ses dirigeants ont été réticents à exiger concrètement quoi que ce soit de la Turquie, si ce n’est de reconnaître le génocide arménien. 
Ce n’est que depuis quelques années que les autorités arméniennes ont commencé à parler de « l’élimination des conséquences du génocide » sans préciser les « conséquences » et les moyens de leur « élimination ». 
Cependant, plus tôt ce mois-ci, un changement profond de la politique étrangère de l’Arménie vis-à-vis de la Turquie a été annoncé, quand Aghvan Hovsepian, le procureur général de l’Arménie, a demandé la restitution des territoires historiques de l’Arménie lors d’une conférence internationale d’avocats arméniens à Erevan. C’est la première fois qu’un haut-fonctionnaire du gouvernement arménien formule une telle exigence publique envers la Turquie. 
Dans un discours long et détaillé, Hovsepian a déclaré que la reconnaissance du génocide arménien par de nombreux pays était seulement une question morale et affective. En appelant à un passage au « domaine juridique », le procureur général a indiqué que « pour éliminer les conséquences du génocide arménien » la Turquie devait « verser une indemnisation aux descendants des survivants du génocide arménien, rendre à l’Église arménienne les églises arméniennes et les propriétés qui sont, par miracle, encore debout en Turquie, et à la République d’Arménie les “ territoires perdus ” » 
Le procureur général Hovsepian a insisté sur le fait que les Arméniens n’atteindront aucun résultat concret dans les cent prochaines années, tout comme ils n’ont rien obtenu au cours des cent dernières années, à moins qu’ils n’adoptent cette approche audacieuse. Il a proposé un examen juridique rigoureux de tous les accords internationaux réglementant les relations entre l’Arménie et la Turquie, depuis le Traité de Berlin de 1878 jusqu’aux protocoles signés mais non ratifiés de 2009. Il a également déclaré que la région du Nakhitchevan était « une partie inséparable de l’Arménie, bien qu’occupée par l’Azerbaïdjan ». Hovsepian a exhorté les avocats venant de partout dans le monde, réunis à Erevan, à préparer la procédure judiciaire en vue des revendications territoriales à adresser à l’Azerbaïdjan et à la Turquie et à la présenter au gouvernement arménien qui la soumettra enfin à la Cour internationale de justice. 
Des déclarations faites par un procureur général ne pèsent généralement pas beaucoup dans les relations internationales, si plusieurs autres fonctionnaires de haut-rang, dont le président Serge Sarkissian, le président de la Cour constitutionnelle, Gagik Haroutiounian, la ministre de la Diaspora, Hranoush Hakobian, le ministre arménien de la Justice, Hraïr Tovmasyan, et le ministre de la Justice de l’Artshakh (Karabagh), Ararat Tanielian, n’avaient pas également fait à la conférence des avocats des commentaires sur une justice restitutive. Il est clair que le procureur général était le porte-parole désigné par le gouvernement de l’Arménie pour exprimer une nouvelle ligne de conduite plus ferme à l’égard de la Turquie avant le centenaire du génocide. 
Le président Sarkissian, s’exprimant de façon plus prudente que le procureur général, a déclaré au colloque des avocats : « La reconnaissance internationale et la condamnation du génocide arménien, et l’élimination de ses conséquences resteront toujours une question fondamentale. Aussi longtemps que l’État arménien existera, tout effort pour nier cette réalité historique et la jeter aux oubliettes sera condamné à l’échec. Ce qui est l’un des plus grands crimes contre l’humanité doit être reconnu et condamné une fois pour toutes, et avant tout, par la Turquie elle-même. » 
Conformément à l’orientation de la nouvelle politique du gouvernement, le président de la Cour constitutionnelle, Gagik Haroutiounian, a annoncé qu’un comité spécial serait formé pour préparer la documentation juridique nécessaire à la poursuite des revendications concernant le génocide arménien. 
À l’issue de la conférence, les participants ont publié une déclaration commune affirmant que la priorité des avocats arméniens n’était pas de prouver les faits évidents du génocide, mais de préparer un document juridique exhaustif pour « remédier aux conséquences du génocide arménien ». 
Il s’agit là d’une évolution appréciée pour ce qui est d’arriver à un consensus entre le gouvernement arménien et la diaspora sur les objectifs à poursuivre en vue du centième anniversaire du génocide arménien. 
Cependant, afin d’aller plus loin que de simples déclarations émotionnellement enthousiasmantes, les dirigeants arméniens doivent prendre deux mesures immédiates : 
1) Retirer la signature du gouvernement arménien des protocoles contre-productifs entre l’Arménie et la Turquie. À la veille du centenaire du génocide, il serait inconcevable d’aller de l’avant avec des efforts stériles pour améliorer les relations avec la Turquie, tout en se préparant à saisir la justice pour demander une restitution. 
2) Former une équipe d’experts en droit international pour commencer à structurer la procédure judiciaire contre la Turquie à la Cour internationale et/ou à la Cour européenne des droits de l’homme. 
Si les sceptiques peuvent ne pas prendre au sérieux les déclarations sur la nouvelle politique des autorités arméniennes, le Ministère des Affaires étrangères de Turquie n’a pas ce genre de doutes. La semaine dernière, Ankara a condamné les exigences territoriales de l’Arménie, annonçant avec colère que « personne ne peut oser revendiquer des territoires à la Turquie ». 
 
 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
18 juillet 2013 
 
©Traduction de l’anglais Tigran Mheryan pour le Collectif VAN – 18 juillet 2013 - www.collectifvan.org
 
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