De: Harut Sassounian L’Égypte lance la reconnaissance du génocide arménien comme un ballon d’essai pour avertir la Turquie


De: Harut Sassounian L’Égypte lance la reconnaissance du génocide arménien comme un ballon d’essai pour avertir la Turquie

  • 04-09-2013 08:20:00   | USA  |  Articles et analyses

De : Harut Sassounian 
Éditeur de : The California Courier 
Éditorial de Sassounian du 22 août 2013 
 
Le printemps arabe en Égypte s’est transformé en un été infernal avec d’innombrables victimes 
Depuis que l’armée a destitué le président Mohamed Morsi, un dirigeant étranger en particulier a poussé des hauts cris, exigeant son rétablissement immédiat. Ce dirigeant belliqueux est Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre de la Turquie, un fervent partisan de son ami islamiste Morsi et des Frères musulmans. 
Les nouveaux dirigeants de l’Égypte, soutenus par une grande partie de la population, ont été furieux, surtout après qu’Erdogan a vertement critiqué le renversement du président Morsi et la mort de centaines de protestataires appartenant à la confrérie des Frères musulmans. Usant d’un langage extrêmement dur, le Premier ministre turc a condamné les militaires égyptiens pour avoir « perpétré un massacre avec leurs soldats, leurs officiers de police, [et] l’artillerie lourde. » Ironiquement, Erdogan qualifie toute personne gardant le silence face à l’injustice de « démon muet ». 
Il ne fait aucun doute qu’une tragédie humaine se déroule en Égypte et elle devient de plus en plus critique au fil des jours. Si personne ne peut rester indifférent face aux meurtres et aux mutilations de civils, le Premier ministre de la Turquie est la dernière personne sur terre pouvant se permettre d’adopter une attitude aussi moralisatrice. Quiconque a du sang sur les mains n’a pas le droit de diaboliser les autres ! Il n’est pas nécessaire de remonter loin dans l’histoire pour se souvenir des génocides commis par les ancêtres d’Erdogan à l’encontre des Arméniens, des Assyriens et des Grecs. Il y a quelques mois à peine, les mains du Premier ministre turc étaient rouges de sang, quand il a fièrement reconnu qu’il avait donné l’ordre à la police d’ouvrir le feu sur des manifestants non armés, faisant cinq morts, rendant onze personnes aveugles et en blessant 8000 autres. Par conséquent, Erdogan est privé de toute autorité morale pour faire la leçon à quiconque en matière de démocratie et de droits civils. 
L’ingérence répétée d’Erdogan dans les affaires intérieures de l’Égypte et son soutien sans faille au président Morsi et aux Frères musulmans ont contribué à une escalade des hostilités entre les deux pays, au point que l’Égypte et la Turquie ont fini par rappeler leurs ambassadeurs respectifs, perturbant encore davantage leurs relations diplomatiques. L’aggravation des tensions a mis en péril les 2 milliards de dollars d’investissements turcs en Égypte et gelé les activités de 300 entreprises turques dans ce pays. 
Une seule année peut faire une telle différence ! En mai 2012, lorsque je me suis rendu en Égypte pour faire des conférences, un journal local avait refusé de publier la partie de mon interview concernant le génocide arménien. On m’avait informé qu’étant donné les relations étroites entre les deux nations islamistes, il serait impossible de publier quoi que ce soit contre la Turquie. 
Curieusement, après le brusque départ du président Morsi, une série d’articles est apparue dans une multitude de journaux égyptiens, parlant en détail de l’histoire du génocide arménien, demandant que la Turquie paie des compensations aux survivants, et appelant Erdogan à reconnaître le passé criminel de son pays. 
Pour couronner le tout, un message surprenant a été posté sur Twitter le 17 août, par Adly Mansour, le président égyptien intérimaire, annonçant que « le représentant onusien de son pays signerait demain le document international reconnaissant les massacres des Arméniens commis par l’armée turque, qui ont causé la mort d’un million de personnes. » 
Bien que les journaux égyptiens et turcs aient abondamment parlé de ce tweet attribué au président égyptien, nous n’avons pas été en mesure de confirmer son authenticité, de manière indépendante. Cependant, il est clair que le gouvernement égyptien actuel et les médias ont l’intention d’utiliser le génocide arménien comme un moyen pour prendre leur revanche sur la lourde ingérence d’Erdogan dans leurs affaires intérieures. 
À juste titre, la plupart des Arméniens seront mécontents que la victimisation de leurs ancêtres soit exploitée dans un bras de fer politique entre les deux pays. Malheureusement, c’est pourtant la politique habituelle. Si les nouveaux dirigeants de l’Égypte estiment utile de reconnaître le génocide arménien, ce serait un changement bienvenu. Il est préférable de reconnaître le génocide, peu importe les motifs politiques, que de ne pas le reconnaître pour de mauvaises raisons ! Après tout, personne ne s’attend à ce que le gouvernement égyptien prenne position sur ce sujet, si cela va à l’encontre de ses intérêts nationaux. À cet égard, l’Égypte n’est pas différente des autres pays, y compris les États-Unis et Israël, qui brandissent régulièrement la reconnaissance du génocide arménien comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des dirigeants turcs. 
La décision finale concernant la reconnaissance du génocide arménien dépend des concessions que Le Caire attend d’Ankara. Si l’Égypte, l’État arabe le plus peuplé, reconnaît le génocide arménien, cela porterait un terrible coup aux efforts effrénés du gouvernement turc visant à contrer les commémorations mondiales du centenaire du génocide en 2015. 
 
©Traduction de l’anglais C. Gardon pour le Collectif VAN – 22 août 2013 – www.collectifvan.org
 
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