Harut Sassounian.Les Canadiens turcs devraient condamner la négation du génocide et non l’approuver


Harut Sassounian.Les Canadiens turcs devraient condamner la négation du génocide et non l’approuver

  • 14-01-2014 11:01:50   | USA  |  Articles et analyses

Les Canadiens turcs ont lancé une pétition le mois dernier demandant la suppression de toutes les références au génocide arménien dans le programme scolaire des lycées de Toronto à partir de la 11e classe. 
 
Cette pétition s’inscrit dans le cadre des initiatives négationnistes de longue date visant à annuler la décision du Conseil scolaire du district de Toronto (TDSB) de 2008 d’enseigner aux élèves les génocides arménien, juif et rwandais. La décision du TDSB suit la reconnaissance du génocide arménien par le Sénat canadien en 2002 et par la Chambre des communes en 2004. De plus, depuis 2006, les Premiers ministres canadiens qui se sont succédé ont fait des déclarations annuelles reconnaissant le génocide arménien, en dépit des pressions politiques intenses et du chantage économique exercés par le gouvernement turc. 
 
En 2008 déjà, une pétition turque semblable n’avait pas réussi à influencer le TDSB pour qu’il modifie le programme scolaire concernant le génocide. Elle avait réuni plus de 11°000 signatures provenant essentiellement de Turquie. Et de fait, le gouvernement à Ankara et ses agents à Toronto ont fait tout leur possible pour saper ce programme au cours de ces sept dernières années. 
 
Voici les assertions infondées présentées dans la pétition turque contre le programme scolaire du TDSB sur le génocide, suivies de mes réfutations : 
 
-- Pétition turque : « En tant que parents de langue turque ou turcique des élèves fréquentant les écoles du Conseil scolaire du district de Toronto, nous sommes profondément préoccupés par l’impact négatif du module scolaire actuel concernant le ‘génocide arménien’ et les ressources pédagogiques adoptées par le Conseil depuis 2008. » 
 
Ma réponse : il n’y a eu AUCUNE violence ni intimidation à l’encontre d’un seul élève turc dans les écoles de Toronto, bien que le programme sur le génocide y soit enseigné depuis plusieurs années. La raison est que les Arméniens ne tiennent pas les Turcs d’aujourd’hui pour responsables des crimes commis par le gouvernement de la Turquie ottomane il y a presque 100 ans, hormis ceux qui s’associent à ces crimes en les niant. D’autre part, la République de Turquie, en tant que successeur de l’Empire ottoman est responsable des conséquences du génocide arménien. Nier les faits du génocide a un impact psychologique bien plus négatif sur les Arméniens que son introduction dans le programme en a sur les Turcs. En outre, la vérité ne peut pas être cachée dans le but de ne pas froisser les sensibilités de ceux qui souhaitent dissimuler des faits historiques. Est-ce que quiconque conseillerait d’effacer toute référence au génocide juif dans les livres d’histoire, afin de ne pas heurter les Allemands d’aujourd’hui ? 
 
-- Pétition turque : « Le manuel sur le génocide des Arméniens et d’autres livres, tel que celui de Barbara Coloroso, Un mal extraordinaire, discréditent sans relâche le discours d’une communauté à l’encontre de l’autre ; et, affectent négativement les élèves du TDSB ayant une origine turque ou turcique. » 
 
Ma réponse : il ne peut y avoir deux discours ou deux versions des faits prouvés du génocide arménien. Une seule version peut exister – la vérité ! 
 
-- Pétition turque : « Nous sommes convaincus que les valeurs de respect mutuel, de compréhension et de coexistence pacifique peuvent être obtenues grâce à un dialogue ouvert et honnête sur l’histoire. En outre, un enseignement équitable et impartial devrait se baser sur des faits historique et non pas sur les discours de certaines communautés tout en ignorant les autres. Il est également à noter qu’il n’existe aucun verdict de tribunaux sur ces revendications historiques et que les avis des historiens divergent en ce qui concerne les détails et les définitions de ces événements. » 
 
Ma réponse : ‘Le respect mutuel, la compréhension et la coexistence pacifique’ ne peuvent être obtenus en déformant la vérité et en mentant. Ce n’est qu’après avoir reconnu la vérité et réparé les torts que les Canadiens turcs pourront parler de ces grands idéaux. De plus, contrairement aux affirmations turques, plusieurs verdicts ont été rendus sur le génocide arménien, à commencer par les Cours martiales turques en 1919, et les jugements des cours argentines, suisses et américaines. De façon significative, la Sous-commission sur la Prévention de la discrimination et la protection des minorités des Nations Unies, a adopté en 1985 un rapport reconnaissant le génocide arménien. L’arbitre ultime pour tout génocide est les Nations Unies, car la Convention sur le génocide est un document de l’ONU. 
 
Pour résumer, cette toute dernière pétition turque est un échec total car son initiateur, la Fédération des associations turco-canadiennes, a réuni moins de 2000 signatures à ce jour, alors qu’elle revendique un nombre de 200°000 membres au Canada. Ce qui est intéressant, c’est que la plupart des signataires ne viennent pas du Canada mais de Turquie, où la pétition a été largement diffusée. 
 
Une initiative beaucoup plus louable de la part des Canadiens turcs serait de lancer une pétition exhortant le gouvernement turc à reconnaître le génocide arménien et à effectuer les restitutions appropriées aux descendants des victimes de ce crime odieux, à l’occasion du centenaire du génocide. 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
Éditorial du 9 janvier 2014 
 
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 9 janvier 2014 – www.collectifvan.org
 
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