Harut Sassounian.Changer les relations entre l’Arménie et la diaspora


Harut Sassounian.Changer les relations entre l’Arménie et la diaspora

  • 14-03-2014 15:26:51   | USA  |  Articles et analyses

En décembre dernier, le ministère de la Diaspora de la République d’Arménie a invité à Erevan un petit groupe de chercheurs et de spécialistes, afin de discuter de l’évolution du rôle de la diaspora vis-à-vis de la patrie. Les participants à la table ronde « L’évolution de la diaspora dans un monde en pleine évolution » venaient d’Argentine, d’Arménie, du Liban, d’Allemagne, de Russie, d’Ukraine et des États-Unis d’Amérique. 
 
La discussion était centrée sur la formation de la diaspora, les défis actuels, la collaboration Arménie-Diaspora, l’amélioration des relations pour une coopération plus étroite entre l’Arménie et la diaspora et la quête de nouveaux mécanismes de travail et de nouvelles perspectives. 
 
Voici quelques extraits de ma présentation à la conférence : 
 
La diaspora a dû faire face à une série de conditions totalement nouvelles après l’indépendance de l’Arménie. La réalisation soudaine du rêve tant désiré d’une Arménie libre a pris de nombreux Arméniens de la diaspora par surprise. De nouveaux mots sont apparus dans leur vocabulaire : Artsakh (Karabagh), tremblement de terre, blocus, protocole, opposition, gouvernement de coalition, changement de régime. 
 
La plupart des Arméniens de la diaspora ont eu du mal à faire une distinction entre les actions d’un individu, d’un groupe ou d’une organisation et les droits et devoirs d’un État. Dans le même temps, les nouveaux dirigeants de l’Arménie n’ont pas totalement appréhendé les sentiments patriotiques, les souhaits et les désirs des Arméniens de la diaspora, ce qui a engendré un écart déconcertant entre les deux parties. 
 
Pour compliquer le tout, la diaspora n’est pas un bloc monolithique, car elle est composée de sous-ensembles distincts, qui ont pris forme à des époques différentes dans des pays étrangers, sous diverses influences culturelles et linguistiques. 
 
Lorsque les journalistes en Arménie m’ont demandé quelle était l’opinion de la diaspora sur ce sujet précis, j’ai eu des difficultés à répondre à cette question. Comment peut-on synthétiser les avis différents de 7 millions d’individus de la diaspora ? Pour pouvoir refléter l’opinion de la diaspora, il faudrait former un organe pan-arménien, soit en élargissant les fonctions du Fonds Arménien au-delà de la levée de fonds, soit en créant une structure complètement nouvelle qui représenterait les Arméniens du monde entier, exceptés ceux de l’Arménie et de l’Artsakh, sur le principe « Un homme, une voix ». Les représentants élus auraient le droit de s’exprimer au nom de tous les Arméniens et ils consulteraient régulièrement les dirigeants de l’Arménie et de l’Artsakh pour coordonner leurs priorités sur les questions pan-arméniennes. 
 
Les dirigeants des trois branches de la nation arménienne (Arménie, Artsakh et la diaspora) pourraient discuter de leurs positions respectives et se mettre d’accord sur le rôle que chacune d’elle devrait jouer. Une telle répartition des taches serait préférable aux luttes intestines sans fin et aux conflits qui ont parfois lieu, comme ce fut le cas lors de la signature des protocoles Arménie-Turquie. 
 
Il appartient à la gouvernance de l’Arménie d’être plus sensible à des questions qui sont importantes pour les Arméniens de la diaspora et de les consulter avant de prendre une décision finale. 
 
À juste titre, les dirigeants de l’Arménie ne sont pas obligés de recevoir des ordres de toute personne vivant hors des frontières du pays. Mais, s’ils ont le dernier mot sur tout sujet, ils ont cependant le devoir moral et l’obligation de prendre en compte les avis des organisations clés de la diaspora, en l’absence d’un organe élu la représentant. En tout cas, les autorités arméniennes sont responsables de leurs actions devant la nation. Elles sont louées quand elles prennent la bonne décision et critiquées dans le cas contraire. 
 
Il faut mentionner qu’une structure élue de la diaspora, quelles que soient les difficultés pour la mettre en place, serait bien plus inclusive et représentative que des leaders nommés – malgré leurs efforts dévoués – qui représentent uniquement leurs membres respectifs. Il est impératif d’inclure de grands segments de notre population, afin que nous soyons plus efficaces dans nos entreprises, en particulier au moment où l’Azerbaïdjan et la Turquie sont en train d’organiser leurs diasporas et dépensent des dizaines de millions de dollars pour saper nos justes demandes, à la veille du centenaire du génocide. 
 
Comme nous le disons souvent : « L’Azerbaïdjan a le pétrole, la Géorgie a la mer et l’Arménie a la diaspora ! » Cependant, une diaspora désorganisée et réduite serait bien peu utile à notre cause nationale. Elle ne pourrait ni se préserver ni apporter de l’aide à la patrie. 
 
Nous devons donc faire tout ce qui est possible pour avoir une patrie puissante et une diaspora forte.Toutes deux dépendent de la vitalité de l’autre pour survivre. Malgré les vaillants efforts du ministère de la Diaspora, nous devons comprendre que l’ampleur du travail à accomplir est tellement immense, qu’elle dépasse les capacités de tout ministère. Il existe un besoin criant d’efforts concertés de la part de toute la gouvernance de l’Arménie, afin que les Arméniens de la diaspora se sentent bien accueillis et chez eux ! 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
Éditorial du 13 mars 2014 
 
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 13 mars 2014 – www.collectifvan.org
 
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