Harut Sassounian. Changement de politique du Royaume-Uni à propos du génocide arménien suite au rapport du juriste Robertson


Harut Sassounian. Changement de politique du Royaume-Uni à propos du génocide arménien suite au rapport du juriste Robertson

  • 13-10-2014 17:53:19   | USA  |  Articles et analyses

Geoffrey Robertson, un éminent spécialiste britannique en droit international, a écrit un rapport de 40 pages en 2009, révélant les déclarations fausses et inexactes sur le génocide arménien faites par le Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth (FCO ou Foreign Office) du gouvernement britannique. 
 
Le rapport d’investigation de Robertson, intitulé Il y a-t-il eu un génocide arménien ? est basé sur des documents britanniques internes obtenus grâce à la Loi pour la liberté d’information (Freedom of Information Act), et il a révélé que le Foreign Officeavait nié le génocide arménien et trompé le Parlement sur ce sujet afin de s’attirer les faveurs de la Turquie. 
 
M. Robertson m’a adressé à l’avance un exemplaire de son nouveau livre de 286 pages intitulé Un génocide inopportun : qui aujourd’hui se souvient des Arméniens ?Il doit être publié ce mois-ci au Royaume-Uni, en Australie, au Canada et aux États-Unis. Toute personne qui lira le livre méticuleusement documenté de ce juriste influent n’aura aucun doute sur les faits réels du génocide et les demandes de réparations fondées des Arméniens. 
 
Les documents confidentiels du FCO récemment obtenus par Robertson révèlent que le gouvernement britannique a opéré une réorientation progressive sur le génocide arménien, passant de la négation au refus de déclarer qu’elle était sa position. Le Foreign Office reconnaît que le changement de la politique gouvernementale est le résultat direct des puissants arguments juridiques avancés par M. Robertson dans son rapport de 2009. 
 
Jusque récemment, la Grande-Bretagne avait fermement campé sur sa position négationniste catégorique du génocide arménien. Une note secrète du FCO de 2009, citée par Robertson, admettait que le gouvernement britannique « est ouvert à la critique en termes de dimension éthique. Mais compte tenu de l’importance de nos relations (politiques, stratégiques et commerciales) avec la Turquie, et du fait que la reconnaissance du génocide n’apporterait aucun bénéfice pratique à la Grande-Bretagne ou aux rares survivants des massacres encore en vie aujourd’hui, pas plus qu’elle ne contribuerait à un rapprochement entre l’Arménie et la Turquie, la ligne actuelle est la seule solution possible. » 
 
Cependant, peu après la publication du rapport de Robertson en 2009, les responsables britanniques ont modifié leur position,en passant de la négation à l'évitementde la prise depositionsurla question du génocide. Dans une note interne de 2010, le FCO a déclaré : « Suite au rapport de M. Robertson et à la publicité qu’il a déclenchée, nous avons mis à jour notre ligne publique, afin qu’il soit bien clair que le gouvernement de sa Majesté [HMG, Her Majesty’s Government] ne pense pas que c’est à nous de juger (historiquement ou juridiquement) si les massacres des Arméniens constituaient ou non un génocide. » Dans une autre note, le FCO a expliqué qu’il ne soutiendrait plus que « les preuves historiques n’étaient pas suffisamment claires pour nous persuader que ces événements devaient être qualifiés de génocide. » La note poursuit en indiquant que « de plus en plus de gens sont d’accord sur le nombre de morts et les souffrances subies par la communauté arménienne. » et que « la jurisprudence liée au génocide, et en particulier, la nature et le genre de preuves requises pour prouver l’intention, s’est grandement développée suite aux événements survenus au Rwanda et dans les Balkans dans les années 1990. » Pourtant, le FCO recommande toujours de ne pas effectuer une reconnaissance explicite du génocide, car « la diaspora arménienne au Royaume-Uni est relativement petite (moins de 20.000 personnes) et l’intérêt de l’opinion publique est limité. » 
 
Néanmoins, le centenaire du génocide arménien approchant, le gouvernement britannique a décidé de devenir un petit peu plus accommodant sur cette question. L’an dernier, lorsque l’ambassadeur britannique au Liban a demandé à Londres s’il devait participer aux commémorations du 24 avril à Beyrouth, le Foreign Office lui a conseillé d’y aller. Le FCO a également recommandé à son personnel de ne pas « donner l’impression que nous nions ce qui s’est passé en 1915… nous les considérons (les massacres et les déportations) comme vraiment horribles et il nécessaire de les commémorer. » 
 
M. Robertson a fait deux suggestions pour que la question du génocide soitrésolue juridiquement : soit le gouvernement arménien soumet le cas « à l’arbitrage de la Cour internationale de justice [Cour mondiale] en vertu de l’article IX de la Convention du génocide »,soit il demande au Secrétaire général de l’ONUd’établir un tribunal ad hoc sur le génocide arménien. 
 
Geoffrey Robertson devrait êtrefélicité pour avoir écrit un livre très important à la veille du Centenaire du génocide arménien. Le Comité national arménien du Royaume-Uni a déjà acquis mille exemplaires afin de les distribuer aux élus et aux médias à Londres. Le livre est disponible sur Amazon.com. Je suis honoré par le fait queM. Robertson a fait plus d’une dizaine de références à mes articles dans son œuvre monumentale. 
 
Avec justesse, M. Robertson a dédicacé son livre à la mémoire de Ben Whitaker, l’auteur du rapport de 1985 à l’ONU, qui qualifiait les massacres des Arméniens de génocide. 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
 
 
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