Harut Sassounian.Pourquoi l’ONU a rejeté la candidature de la Turquie pour un siège de membre non permanent du Conseil de sécurité ?


Harut Sassounian.Pourquoi l’ONU a rejeté la candidature de la Turquie pour un siège de membre non permanent du Conseil de sécurité ?

  • 28-10-2014 11:09:51   | USA  |  Articles et analyses

La semaine dernière, le gouvernement turc a reçu une grosse claque, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies a écarté sa candidature pour un siège au Conseil de sécurité. De fait, la communauté internationale a rejeté la politique hostile menée par la Turquie tant dans le pays qu’à l’étranger. 
 
C’est avec arrogance que le nouveau ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu et le Premier ministre Ahmet Davutoglu avaient prédit que le pays obtiendrait ce poste prestigieux. La nuit précédant le vote, Cavusoglu avait organisé une réception huppée pour les ambassadeurs de l’ONU, à l’hôtel mondialement célèbre de New York, le Waldorf Astoria. 
 
Après avoir passé plusieurs jours à New York pour faire personnellement du lobbying auprès des délégués de l’ONU, le ministre des Affaires étrangères a déclaré avec optimisme aux médias : « Nous pensons que tous les beaux efforts que nous avons faits se refléteront dans les bulletins demain. Bien sûr, c’est un vote et toutes sortes de résultats peuvent en résulter. Mais, nous croyons, si Dieu le veut, que nous obtiendrons le résultat de tout le travail que nous avons fait. » 
 
Le Premier ministre Davutoglu était tout aussi optimiste quant au fait que la Turquie marquerait une « victoire historique ». Deux jours avant le vote à l’ONU, il a fièrement annoncé : « Si nous sommes élus, et nous pensons que la probabilité est grande, nous serons le premier pays du monde à être élu une deuxième fois, après une interruption de cinq ans. Ceci démontre l’importance de la Turquie. » 
 
Malheureusement pour les dirigeants turcs, le résultat n’a pas répondu à leurs attentes. Malgré les intenses efforts de lobbying de Cavusoglu et son vœu le plus ardent d’une intervention divine, seuls 60 des 193 membres de l’Assemblée générale ont voté pour la Turquie, tandis que son rival, l’Espagne, a obtenu 132 voix, gagnant ainsi un mandat de deux ans en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité. 
 
Pourquoi en 2014 la Turquie a-t-elle perdu plus de la moitié des voix qu’elle avait obtenues lors de sa candidature couronnée de succès en 2008 ? Voici les raisons clés de l’échec de la Turquie cette fois-ci : 
 
 
-- La campagne vigoureuse menée par un grand nombre de pays contre la candidature de la Turquie : l’Arménie, Chypre, l’Égypte, la Grèce, Israël, la Syrie et l’Arabie Saoudite, entre autres. 
 
-- Les querelles acrimonieuses en cours du président Erdogan avec le puissant prédicateur turc musulman, Fethullah Gulen, ont abouti à la perte des voix de plusieurs pays africains à l’Assemblée générale, pays dans lesquels les partisans de Gulen sont très présents. Ceci est un changement majeur par rapport à 2008, car les partisans de Gulen avaient garanti un grand nombre de votes en faveur de la Turquie. 
 
-- Le mauvais jugement des dirigeants qui ont décidé de se représenter aussi rapidement après l’élection de la Turquie au Conseil de sécurité en 2009-2010. La réélection de la Turquie aurait privé d’autres pays de la possibilité de servir dans cet organisme aussi prestigieux. 
 
-- Les aspirations néo-ottomanes auto-glorificatrices de Davutoglu ont contrarié la plupart des pays du Moyen-Orient, faisant de sa politique de « zéro problème avec les voisins » en « zéro voisin sans problèmes ! Le sondage du Pew Research Center confirme que la réputation lamentable de la Turquie est tombée à un niveau historiquement bas. 
 
-- Avec sa gouvernance autocratique en Turquie, y compris la répression sanglante des manifestations du Parc Gezi, l’emprisonnement de journalistes et le blocage de Twitter and Facebook, ses paroles méprisantes « Je me fiche de ce que la communauté internationale dira », Erdogan s’est aliéné une multitude de personnes dans le monde. Le vote contre la Turquie était un rejet d’Erdogan de la part des membres de l’ONU. La plupart des délégués étaient sortis de la salle pendant le discours pompeux du président Erdogan à l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre. 
 
-- Les relations tendues avec les États-Unis et l’Europe de l’Ouest dues au refus de la Turquie de soutenir la guerre contre ISIS, et au fait de ne pas défendre les civils kurdes qui sont en train de se faire massacrer par des djihadistes étrangers à deux pas de la frontière turque. Par conséquent, des acteurs influents ont appelé à l’expulsion de la Turquie de l’OTAN et au rejet de sa candidature d’adhésion à l’Union Européenne. 
 
-- Mécontent de la position antagoniste de la Turquie, le président Obama a envoyé un modeste chargé d’affaires de l’ambassade américaine à Ankara assister à l’investiture présidentielle d’Erdogan le 28 août. 
 
Ignorant toutes ces raisons légitimes qui ont fait que la Turquie n’a pas eu de siège au Conseil de sécurité, le ministre des Affaires étrangères Cavusoglu a attribué l’échec de son pays à sa réticence à abandonner « ses valeurs pour obtenir plus de voix. » Cette déclaration ridicule est faite par le ministre des Affaires étrangères d’un pays qui a versé des millions de dollars dans les coffres d’îles minuscules et de pays pauvres d’Afrique pour acheter leurs voix à l’Assemblée générale des Nations Unies. 
 
Pour finir, le fait de ne pas avoir de siège au Conseil de sécurité limite la capacité de la Turquie d’exploiter l’organisme puissant des Nations Unies pour saper les événements commémoratifs mondiaux qui auront lieu l’an prochain à l’occasion du centenaire du génocide arménien. 
 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
 
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