Harut Sassounian .Étonnamment, la Turquie n’a pas fait savoir qu’elle avait corrigé le panneau de l’église arménienne


Harut Sassounian .Étonnamment, la Turquie n’a pas fait savoir qu’elle avait corrigé le panneau de l’église arménienne

  • 04-11-2014 13:34:45   | USA  |  Articles et analyses

J’ai appris récemmentque le gouvernement turc avait discrètement corrigé le panneau situé près de l’Église historique de la Sainte-Croix (SourpKhatch) sur l’île d’Aghtamar,Lac de Van, en mentionnant son origine « arménienne ». 
 
Pendant des décennies, les autorités turquesont systématiquement dissimulé la véritable identité de milliers d’églises et de monuments, afin que personne ne puisse se souvenir que des Arméniens ont vécu pendant des milliers d’années sur les territoires aujourd’hui occupés par la République de Turquie. En ne divulguant pas les traces de la civilisation arménienne, les dirigeants turcs ont fait le calcul qu’ils n’auraient pas à expliquer la disparition des Arméniens – une autre manifestation du négationnisme turc. 
 
En 2007, le gouvernement turc avait organisé une imposante cérémonie d’inauguration, suite à la rénovation de l’Église de la Sainte-Croix, datant du 10e siècle. Alors que certains Arméniens naïfs avaient participé à cet exercice de propagande turque, j’avais écrit plusieurs éditoriaux critiques soulignant que les dirigeants turcs n’avaient pas permis que des services religieux arméniens y aient lieu (sauf une fois par an), et avaient refusé qu’une croix soit placée sur le dôme. Au lieu de cela, l’Église de la Sainte-Croix est officiellement devenue un musée et elle a été placée sous l’administration du ministère turc de la Culture et du Tourisme, et non sous la juridiction du Patriarcat arménien d’Istanbul. Depuis lors, une croix a été érigée sur le dôme de l’église. 
 
Cependant, j’avaisomis en 2007 de parler du texte du panneau situé sur le chemin menant à l’église. Le texte original ne faisait aucune référence aux Arméniens, ni en anglais ni en turc. Voici les premières lignes des informations de l’époque et le titre, écrits en anglais : 
 
« Île d’Akdamar&Musée architectural. Entrée 5 TL [Lires turques]. Île d’Akdamaret église. L’église d’Akdamarcommandée parle roi du Vasbouragan, Gagik I, a été construite par les moines del’architecte Manuel entre 915-921… » 
 
La semaine dernière, j’ai rencontré par hasard dans une librairie arménienne de Glendale, SenemCevik, professeure assistante à l’université d’Ankara, qui m’a montré deux photos différentes du panneau de l’Église de la Sainte-Croix. La première, qu’elle avait prise il y a quelques années, représentait le texte de l’inscription précédemment citée. La seconde, prise par l’un de ses collègues le mois dernier, montre la nouvelle inscription qui se réfère au bâtiment sous le terme d’église arménienne : 
 
« Église arménienne d’Aghtamar de la Sainte-Croix. L’église construite par le moine/architecte Manuel entre 915 et 921,a été commandée par le roi du Vasbouragan, Gagik I. Construite selon la forme d’un trèfle à quatre feuilles et un plan cruciforme, l’église était couverte par une coupole à l’intérieur et par un cône pyramidal à l’extérieur. L’église possédait deux portes, l’une côté sud et l’autre côté ouest. Au cours de périodes ultérieures, la Chapelle de Zacharias I, un gavit et un beffroi ont été ajoutés à l’église et la Chapelle Saint Etienne a été construite séparément. Construite au nom de la Sainte-Croix, l’église a été transformée en monastère en 1131. Certains bas-reliefs sculptés de la façade de l’église, représentent des scènes tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament, de la vie du palais, de scènes de chasse, ainsi que des humains et des animaux. Ces représentations sont importantes car elles distinguent l’église d’autres églises similaires. Diverses peintures murales à l’intérieur de l’église représentent des descriptions tirées de la Bible. » 
 
Ce nouveau texte d’information qualifie clairement l’église de la Sainte-Croix, tant en anglais qu’en turc, d’église arménienne. Cependant, un problème subsiste. Si le nom de l’église est correctement orthographié en anglais, Aghtamar, l’église a un nom turquifiédans l’inscription en turc, soitAkdamar. 
 
Je ne peux que spéculer quant aux motifs qui ont poussé le gouvernement turc à ne pas annoncer publiquement la modification intervenue sur le panneau. Voici quelques raisons possibles : 
 
-- L’inadvertance de petits responsables turcs qui n’ont pas compris la valeur de l’annonce du changementen termes de relations publiques. 
-- La réticence de certains responsables de haut-rangà attirer l’attention sur la modification, craignant d’avoir l’air ridicule en s’attribuant le mérite de quelque chose de tellement évident, qui aurait dû être fait depuis longtemps. 
-- L’inquiétude des dirigeants turcs pensant qu’annoncer la modification du texte impressionnerait le monde extérieur tout en déclenchant des critiques dans le payspour avoir satisfait les Arméniens. 
-- La préoccupation des dirigeants turcs nouvellement éluspour d’autres sujets urgents. Ils feront peut-être cette annonce à une date ultérieure. 
 
Il est tout aussi étonnant que du côté arménien, personne, y compris le Patriarcat arménien d’Istanbul, n’ait mentionné une seule fois l’inscriptioncorrigée reflétant l’origine arménienne de l’Église de la Sainte-Croix. 
 
Il faut espérer que cette rectification du panneau de l’église d’Aghtamarest le prélude à une reconnaissance similaire de l’héritage culturel arménien en musées, églises et monuments dans toute la Turquie, y compris la ville d’Ani. 
 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
 
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