Harut Sassounian. Zuart Sudjian intente un procès à la Turquie pour réclamer les terres de sa famille – Aéroport de Diyarbakir


Harut Sassounian. Zuart Sudjian intente un procès à la Turquie pour réclamer les terres de sa famille – Aéroport de Diyarbakir

  • 26-01-2015 11:45:30   | USA  |  Articles et analyses

 
Les Arméniens sont en train d’organiser des milliers d’événements dans le monde entier pour commémorer le centenaire du génocide arménien. 
 
Le but de ces manifestations est de rappeler au monde les atrocités de masse commises par la Turquie ottomane de 1915 à 1923, dans l’espoir que la communauté internationale oblige le gouvernement turc à se confronter à son passé sordide et qu’il restaure les droits des descendants des victimes du génocide. 
 
Cependant, il existe un moyen plus rapide et efficace – une action juridique – pour réaliser cet objectif honorable. Ces dernières années, plusieurs avocats arméno-américains ont intenté des procès avec un certain succès contre des compagnies d’assurance devant des cours fédérales américaines. Diverses autres poursuites judiciaires sont toujours en instance. 
 
À la veille du centenaire, le gouvernement arménien et plusieurs groupes de la diaspora examinent la possibilité d’intenter des procès contre la Turquie devant des cours internationales. Cependant, des actions juridiques aussi sérieuses devraient être entreprises uniquement par des spécialistes en droit international et non par des individus ou des groupes arméniens bien intentionnés, car si ces actions étaient mal gérées, elles pourraient avoir un effet dévastateur sur les demandes arméniennes légitimes adressées à la Turquie. 
 
En septembre dernier, Sa Sainteté le Catholicos Aram I de la Grande Maison de Cilicie a annoncé qu’il envisageait de porter plainte contre la Turquie pour qu’elle lui restitue les biens de l’Église dont le Catholicossat de Sis, Cilicie, était propriétaire avant le génocide. Si la Turquie rejetait la plainte, le Catholicossat de Cilicie ferait appel du jugement auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). 
 
Récemment, la presse turque a rapporté que Zuart Sudjian, une Américaine d’origine arménienne avait intenté un procès pour obtenir la restitution des terrains qui appartenaient à la famille de sa mère – les Basmajian – sur lesquels est situé l’aéroport de Diyarbakir. 
 
Je me suis entretenu avec Mme Sudjian, âgée de 94 ans, à New York (et non en Californie comme l’a dit la presse turque), qui m’a déclaré que sa famille, qui a été obligée de quitter Diyarbakir suite au génocide arménien, est tout d’abord partie au Liban, puis à Cuba (et non en Corée) et s’est finalement installée aux États-Unis. 
 
La propriété de la famille Sudjian a fait l’objet d’une expropriation par le gouvernement turc en 1967, qui avait fait publier une annonce dans un journal local et ensuite affirmé que les propriétaires étaient introuvables. 
 
Il y a quelques années, l’avocat de Mme Sudjian, Ali Elbeyoglu, avait intenté un procès au nom de sa cliente en Turquie exigeant la restitution de son héritage. La cour avait rejeté sa requête en avril 2013, affirmant que le délai de prescription de 10 ans avait expiré. La Cour d’appel avait cassé la décision de la cour inférieure et demandé un réexamen de l’affaire, déclarant que Sudjian n’avait pas pu être au courant de l’annonce légale publiée dans un journal local de Diyarbakir avant la confiscation du bien. La cour a déclaré qu’au minimum, l’annonce aurait dû être insérée dans un journal turc distribué au niveau national. 
 
L’avocat Elbeyoglu a expliqué que la confiscation de la propriété de Sudjian constituait une violation de la protection du droit de propriété privée telle que définie par la Convention européenne des droits de l’homme. 
 
Même si Sudjian gagnait son procès, il est peu probable que le gouvernement turc restitue ce terrain de très haute valeur, estimé à des dizaines de millions de dollars, et sur lequel se trouvent les aéroports civil et militaire de Diyarbakir. C’est la raison pour laquelle son avocat a déclaré au journal Milliyet que Sudjian demandait uniquement une compensation correspondant à la valeur du bien de sa famille. 
 
L’avocat Elbeyoglu a également déclaré à Milliyet que si Sudjian gagnait le procès, cela ouvrirait la voie à de nombreux autres procès similaires. De manière significative, le sous-titre du journal turc était : Espoir pour la diaspora. 
 
Les médias turcs n’ont cependant pas mentionné le fait que si la Cour d’appel émettait un jugement négatif à l’encontre de Sudjian, elle pourrait alors porter son cas devant la Cour européenne des droits de l’homme. Un jugement positif de la CEDH serait la porte ouverte à des procès intentés par des Arméniens du monde entier, dont les ancêtres possédaient des propriétés qui ont été confisquées par le gouvernement turc pendant le génocide arménien. 
 
Il existe en Turquie d’innombrables autres propriétés de valeur confisquées aux Arméniens, y compris : 
 
-- Le Palais présidentiel à Ankara, occupé jusque récemment par Erdogan et les présidents turcs précédents, est situé sur un terrain appartenant à la famille Kassabian. 
-- L’aéroport Atatürk d’Istanbul est construit en partie sur un terrain appartenant à la famille de Kevork Sarian, originaire de Van. 
-- La base aérienne américaine d’Incirlik se trouve sur un terrain appartenant à plusieurs familles arméniennes qui ont intenté un procès au gouvernement turc devant une cour fédérale américaine.
 
Ces propriétés et des milliers d’autres devraient être restituées à leurs propriétaires légitimes, en tant que justice restitutive partielle que la Turquie doit au peuple arménien. 
 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
 
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