Harut Sassounian . À qui la faute si Erdogan est devenu un tyran fanatique ?


Harut Sassounian . À qui la faute si Erdogan est devenu un tyran fanatique ?

  • 25-02-2015 11:28:50   | USA  |  Articles et analyses

Lorsque le Parti pour la justice et le développement (AKP) est arrivé au pouvoir en 2002, son fondateur, Recep Tayyip Erdogan semblait être un musulman pieux désireux d’éliminer la corruption et d’améliorer le niveau de vie des citoyens turcs. 
 
Au cours de ces 13 dernières années, Erdogan s’est peu à peu transformé en un despote corrompu, prenant des airs de sultan ottoman moderne. Était-il dès le départ un loup déguisé en brebis ou le soutien aveugle et les éloges de la communauté internationale lui sont-ils montés à la tête ? Le président Obama a notamment dit d’Erdogan qu’il était l’un des cinq dirigeants mondiaux dont il se sentait particulièrement proche. Obama et d’autres chefs d’État comprennent enfin que le mauvais génie qu’ils ont créé est sorti de sa lampe et échappe à tout contrôle ! La première victime de cette confiance mal placée en Erdogan n’est autre que le président de la Syrie, Bachar-el-Assad. 
 
Voici quelques extraits de déclarations publiques récentes d’Erdogan et de certains hauts responsables turcs, documentées par l’Institut de recherches des médias du Moyen-Orient, montrant à quel point ils sont devenus arrogants : 
 
Dans un discours en date du 21 janvier à Istanbul devant l’Union parlementaire des pays islamiques, Erdogan, dont le ton était plus celui d’un leader de l’EI [Etat islamique] que d’un président d’un État membre de l’OTAN, a exhorté les pays musulmans à « s’unir et à vaincre les successeurs de Laurence d’Arabie qui cherchent à perturber le Moyen-Orient. » Il a poursuivi en accusant l’Occident de comploter contre le monde islamique poussant ainsi les musulmans à s’entre-tuer. 
 
Lors de sa récente visite à Djibouti, Erdogan a fanfaronné : « La Turquie est un pays puissant. Si vous [l’Union européenne] voyez toujours la Turquie comme un pays qui va venir mendier à votre porte [de l’UE], la Turquie n’est pas un pays qui mendie ». En réponse aux précédentes critiques européennes à propos de la répression menée par Erdogan sur les médias en Turquie, Erdogan a dit aux dirigeants européens : « Gardez vos opinions pour vous-mêmes » puis il a ajouté : « Prenez la peine de venir en Turquie, afin que la Turquie puisse vous donner une leçon de démocratie. » 
 
Le vice-premier ministre, Numan Kurtulmus, qui accompagnait Erdogan dans sa tournée africaine, a joué sans vergogne la carte de la race, en disant aux populations locales : « Pour la première fois depuis que les Ottomans sont partis, les Africains voient une main blanche qui ne les exploite pas, n’en fait pas des esclaves et ne les frappe pas ; une main blanche qui n’exploite pas leurs mines, élimine leurs valeurs, les assimile ou les considère comme des sous-hommes. Ils voient la main blanche de la Turquie qui les considère comme des frères et comme des égaux… Nous essayons d’aider à la renaissance de ce peuple à la peau noire, mais très chaleureux. » Kurtulmus espéraient sans doute que ces auditeurs africains ne savaient pas qu’Erdogan emploie fréquemment le terme raciste et méprisant « zenci » (noir) pour décrire les gens des classes populaires ! 
 
Pour ne pas être en reste vis-à-vis d’Erdogan et de Kurtulmus en matière d’arrogance ou de fanatisme religieux, le Premier ministre Davutoglu a déclaré devant une vaste assemblée à Zurich le mois dernier : « L’islam est la religion indigène de l’Europe et elle continuera à l’être. Malgré les obstacles, les préjugés et les nombreuses provocations, la Turquie continuera à avancer sur la voie de l’adhésion à l’Union européenne… Avec la grâce d’Allah, nous ne nous inclinerons pas. Nous sommes les petits-enfants des héros qui se sont battus à Gallipoli et qui ne se sont jamais inclinés. En 2002, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, ils ont dit [l’UE] que la Turquie était un pays trop pauvre, trop faible, qui serait un fardeau pour l’Europe. Grâce à Allah, la Turquie est aujourd’hui la puissance montante du monde… Nous ne sommes pas un fardeau pour l’Europe. La Turquie est la voie de guérison de l’Europe ! La Turquie est le traitement pour sa maladie de racisme. Nous sommes le traitement contre son ralentissement économique. Nous sommes le traitement contre la diminution de son pouvoir. De l’Andalousie (Espagne) aux États ottomans et grâce à la marche sacrée de notre peuple venu ici des quatre coins d’Anatolie il y a un demi-siècle, le son du adhan (appel musulman à la prière) a fait venir ces héros en Europe. Les dômes des mosquées dispersés sur ce continent seront protégés ; nous continuerons à nous battre contre ceux qui cherchent à les abîmer. J’embrasse le front de mes frères qui ont apporté le tekbir (l’appel à la prière Allah wa Akbar) à Zurich…. Saintes sont les personnes qui sont venues ici et y ont semé les graines qui, si Allah le veut, continueront à grandir pour devenir un immense arbre de justice au centre de l’Europe. Personne ne sera capable de l’arrêter! » (N.d.T : l’islam). 
 
Davutoglu a continué à faire ses déclarations absurdes et arrogantes la semaine dernière, cette fois-ci à Ankara, en disant aux représentants des minorités : « Nous allons donner une leçon aux racistes en Europe. » 
 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
Éditorial du 19 février 2015 
 
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 19 février 2015 – www.collectifvan.org
 
 
 
 
 
 
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