Harut Sassounian.Erdogan devient le meilleur publiciste pour le Centenaire du génocide des Arméniens
27-04-2015 14:30:18 | USA | Articles et analyses
Il y a deux ans environ, lorsque les Arméniens ont commencé à préparer le Centenaire du génocide des Arméniens un peu partout dans le monde, ils ont été confrontés à deux problèmes importants : quel genre d’événements serait le plus approprié pour cette occasion solennelle ? Et, comment dissimuler les plans au gouvernement turc, afin qu’il ne soit pas en mesure de les saper ou de les perturber ?
Les Arméniens ne pouvaient pas savoir que les responsables turcs finiraient par devenir sans le vouloir leurs meilleurs « alliés », et qu’au lieu de perturber les plans arméniens prévus pour le Centenaire du génocide, ils feraient des déclarations tellement ridicules qu’elles permettraient de propager le sujet du génocide à une échelle dépassant les attentes les plus folles de quiconque.
Un scénariste d’Hollywood n’aurait pas pu faire mieux qu’Erdogan, alors Premier ministre, puis président, pour garantir une commémoration du Centenaire du génocide avec la plus grande audience mondiale.
Bien avant le début de l’année du centenaire, Erdogan a commencé à saper sa propre crédibilité et celle de son pays avec ses déclarations farfelues : il a affirmé que les musulmans avaient découvert l’Amérique avant Christoph Colomb ; qu’il était impossible que des musulmans commettent un génocide ; et il a déclaré à l’animateur télé Charlie Rose, que puisqu’il y avait encore des Arméniens à Istanbul, il ne pouvait pas y avoir eu de génocide.
Erdogan a continué en bloquant Youtube et Twitter, parce que leur contenu ne lui plaisait pas ; il a fait arrêter un jeune étudiant qui avait écrit un essai que le Sultan Moderne n’approuvait pas ; il a poursuivi en justice les partisans de Fethullah Gulen et des officiers hauts gradés, au prétexte qu’ils complotaient contre Son Altesse ; il a donné l’ordre de tirer sur des manifestants pacifiques dans le Parc Gezi ; et il a expliqué à son fils, lors d’une conversation téléphonique enregistrée, comment cacher des dizaines de millions de dollars en liquide !
Avec ses déclarations virulentes et ses débordements grossiers, Erdogan a réussi à contrarier les dirigeants de nombreux pays avec lesquels il était en relation, y compris les États-Unis, la France, la Grèce, Chypre, la Russie et la Syrie. De fait, il a transformé sa politique étrangère du « zéro problème avec les voisins » en « zéro voisin sans problème » !
Au début de cette année, alors que le Centenaire du génocide approchait, Erdogan est passé à la vitesse supérieure. Il a eu l’idée « géniale » de reprogrammer le jour de la commémoration de Gallipoli au 24 avril et d’inviter une centaine de chefs d’États en Turquie, dans le but de voler la vedette aux commémorations du génocide des Arméniens à Erevan ce jour-là. Le président turc cherche à réécrire l’histoire en accusant les Arméniens d’avoir changé la date du Centenaire du génocide au 24 avril !
Ces manœuvres puériles n’ont pas échappé à la communauté internationale. D’innombrables articles ont été écrits sur les entourloupes d’Erdogan. En réalité, au lieu de saper les commémorations arméniennes, le dirigeant turc s’est fait l’écho du Centenaire du génocide, bien avant que les Arméniens n’aient organisé un seul événement.
Et puis, il y a eu le mémorable sermon du pape François le 12 avril, accusant la Turquie d’avoir commis « le premier génocide du 20e siècle » à l’encontre du peuple arménien ! En réponse, la Turquie a rappelé son ambassadeur au Vatican, et ensuite, Erdogan, ainsi que le Premier ministre Davutoglu, qui normalement garde la tête froide, et toute la caste des autorités turques, se sont mis à insulter le pape, l’Église catholique et même l’Argentine, pays de naissance du Saint Père ! Ainsi, en quelques jours, les dirigeants turcs ont réussi à s’aliéner plus d’un milliard de catholiques dans le monde entier.
Erdogan a averti le pape qu’il prendrait des mesures supplémentaires contre l’Église catholique, insinuant qu’il convertirait en mosquée l’ancienne église grecque Sainte Sophie à Istanbul. S’il mettait sa menace à exécution, il braquerait le reste du monde chrétien contre la Turquie.
Quelques jours après le sermon historique du pape, le Parlement européen a encore adopté une résolution reconnaissant le génocide des Arméniens. Erdogan a poursuivi ses diatribes anti-européennes et anti-chrétiennes, accusant les Européens d’être anti-turcs et anti-islam. Naturellement, les Européens commencent à se demander comment ce dirigeant cinglé pourrait un jour rejoindre la famille des nations européennes !
Des milliers de journaux, de chaînes de télévision et de sites Internet ont parlé de la réaction folle furieuse des dirigeants turcs, et ont critiqué leur négation du génocide. L’attention que le monde a porté aux Arméniens a été impressionnante, avec la couverture importante du voyage des Kardishian en Arménie, le remarquable sermon du pape et la résolution du Parlement européen sur le génocide des Arméniens. Les Arméniens n’auraient pas pu obtenir une publicité aussi énorme à la veille du Centenaire du génocide des Arméniens, même s’ils avaient dépensé un milliard de dollars pour payer des agences de relations publiques !
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