Qui devrait demander les territoires arméniens à la Turquie ? De Harut Sassounian


Qui devrait demander les territoires arméniens à la Turquie ? De Harut Sassounian

  • 19-10-2015 10:34:42   | USA  |  Articles et analyses

 
Je viens de prendre connaissance d’une interview importante que le président arménien Serge Sarkissian a accordée à la journaliste turque Cansu Camlibel, du journal Hurriyet, le 24 avril 2015 à Erevan. Cet article a été enterré sous l’avalanche de la couverture médiatique portant sur les commémorations du Centenaire du génocide arménien. Voici quelques extraits de la longue interview du président Sarkissian, publiée dans le Turkish Daily News, l’édition anglaise de Hurriyet : -- Le président a souligné avec justesse que « la réaction émotionnelle et non-diplomatique de la gouvernance turque [à la reconnaissance par le pape François du génocide arménien, au Vatican le 12 avril] était encore une autre preuve que la Turquie poursuivait sa politique manifeste de négationnisme à un niveau étatique, prenant ainsi en charge le fardeau de la responsabilité pour le crime perpétré par les autorités de l’Empire ottoman. » -- « En tant que grande puissance et défenseur des valeurs démocratiques, les États-Unis ont à maintes reprises exprimé leur position sur le génocide arménien. Sur les 51 États constitutifs américains, 44 ont reconnu et condamné le génocide arménien. Au cours de l’histoire, plusieurs président américains, tels que Ronald Reagan, Gerald Ford, ont décrit les atrocités commises à l’encontre du peuple arménien comme étant un génocide. Même les présidents américains qui n’ont pas utilisé le mot « génocide » pendant leur mandat, l’avaient utilisé quand ils faisaient campagne. Cela signifie qu’ils n’ont jamais remis en question la véracité de ce qu’il s’est passé, mais qu’en raison de considérations politiques uniquement, ils se sont abstenus de prononcer le mot « génocide ». » Si le président Sarkissian a correctement analysé la reconnaissance américaine du génocide arménien, il existe cependant quelques inexactitudes dans sa réponse : il n’y a pas 51 États mais 50 aux États-Unis ; et Gerald Ford a reconnu le génocide arménien quand il était membre du Congrès, avant de devenir président. -- « La proposition turque d’établir une soi-disant commission d’historiens n’a qu’un seul objectif, qui est de retarder le processus de reconnaissance du génocide arménien et de détourner l’attention de la communauté internationale de ce crime. Ce n’est pas seulement notre opinion, mais également celle de la communauté internationale qui continue à reconnaître et à condamner le génocide arménien. Les Protocoles ne contiennent pas de clause établissant une commission devant mener des recherches historiques. Le paragraphe correspondant, dans les Protocoles, envisage un dialogue destiné à restaurer la confiance mutuelle entre les deux nations, qui implique l’établissement d’une sous-commission. Au cours des négociations, la partie arménienne a souligné à maintes reprises et à divers niveaux, ainsi qu’à la partie turque, qu’en
aucun cas, la véracité du génocide ne pouvait être remise en question. » Les Arméniens qui se sont opposés aux Protocoles, y compris votre auteur, ont exprimé les mêmes objections. -- « Six années ont passé depuis la signature des Protocoles : quand est-ce que ce sera le bon moment ?... Les années écoulées ont démontré que la Turquie n’a pas hâte de trouver le moment opportun, mais à la place, elle essaie de prévenir la manifestation d’une position explicite de la communauté internationale sur le génocide arménien, en affirmant que les reconnaissances avaient en quelque sorte empêché la réconciliation. Le processus de la réconciliation arméno-turque a été lancé à mon initiative et avait un objectif très simple : établir des relations diplomatiques sans aucune condition préalable, et ouvrir la dernière frontière fermée en Europe, sauvegarder la coexistence pacifique de nos deux nations et des relations de bon voisinage. Malheureusement, le manque de volonté politique de la part des autorités turques, la déformation du texte et de l’esprit des Protocoles, les manifestations claires de négationnisme et des conditions préalables constamment imposées, destinées à satisfaire les exigences infondées de l’Azerbaïdjan, ont entravé la mise en œuvre des Protocoles… Après six ans d’attentes non satisfaites, j’ai décidé de rappeler les Protocoles devant le Parlement. J’ai dit une fois que les Arméniens n’allaient pas attendre indéfiniment que les autorités turques soient en mesure de trouver le bon moment pour ratifier enfin ces Protocoles. » À mon avis, le ministre des Affaires étrangères devrait immédiatement retirer sa signature des Protocoles et les déclarer nuls et non avenus. -- « La République d'Arménie n’a jamais exprimé de revendications territoriales à la Turquie, ni à aucun autre pays, depuis notre indépendance. Il n’y a jamais eu une telle question à l’agenda de la politique étrangère de notre pays, et il n’y en a aucune aujourd'hui. C’est une position très claire. » Si l’on ne lit pas ces mots avec attention, la dernière réponse du président Sarkissian pourrait facilement être mal comprise. Il n’a jamais dit que l’Arménie avait des revendications territoriales vis-à-vis de la Turquie ni qu’elle n’en avait pas ! L’Arménie n’a tout simplement pas soulevé la question officiellement, car le faire pourrait entraîner de graves conséquences pour la sécurité nationale, eu égard à son voisin puissant et hostile sur le front ouest. Les partis politiques, les organisations et les individus tel votre auteur ont fréquemment présenté des revendications territoriales à la Turquie, mais l’on comprend parfaitement que le chef d’État de l’Arménie doit être plus prudent dans ses déclarations publiques. Il y a quelques années, le président Sarkissian a déclaré qu’il laissait la question des revendications territoriales à la future génération, ce qui implique que l’Arménie a bien des revendications territoriales à l’égard de la Turquie ! 
 
De Harut Sassounian
The California Courier www
 
 
 
 
 
 
 
 
  -   Articles et analyses