Une véritable "histoire de fou"


Une véritable "histoire de fou"

  • 12-11-2015 13:02:33   | Arménie  |  Culture

Tout un symbole : c’est le 11 novembre, jour anniversaire de l’armistice de 1918, que sort en salles le dernier film de Robert Guédiguian, Une histoire de fou. Une fiction historique qui traite d’une cause juste - la lutte pour la reconnaissance du génocide des Arméniens par les Turcs, en 1915 - et de moyens qui le sont moins - le terrorisme - bien que la lutte armée soit parfois justifiée. Si l’exemple de l’Affiche rouge et du groupe « terroriste » de Missak Manouchian, sujet d’un autre film du même Guédiguian, L’armée du crime, tourné en 2009, n’y est pas ouvertement invoqué, Une historie de fou s’ouvre sur la reconstitution de l’assassinat du principal organisateur du génocide, Talaat Pacha, en 1921, à Berlin, par Soghoman Tehlirian, lequel fut ensuite acquitté à l’issue d’un procès retentissant. Une séquence que Guédiguian lie directement au cheminement d’un des personnages principaux du film, le jeune Aram, qui s’engage dans la lutte armée dans le sillage de Tehlirian, à la fin des années 1970. Un Aram (Syrus Shahidi)  que l’on voit grandir à Marseille, entouré d’une grand-mère rescapée du génocide, d’un père (Simon Abkarian) avant tout soucieux d’intégration, et d’une mère (Ariane Ascaride) ravagée par le choix de son fils. 

Basé sur La bombe*, l’excellent livre-témoignage de José Antonio Gurriaran, un journaliste espagnol qui fut la victime collatérale d’un attentat de l’ASALA (Armée secrète arménienne de libération de l’Arménie) à Madrid, le 29 décembre 1980, qui lui déchiqueta les jambes, Une histoire de fou adopte une double perspective : celle des poseurs de bombes, mais aussi celle de sa victime. Si dans le scénario, l’attentat est transposé en France, et sa victime en étudiant en médecine, l’extraordinaire attitude de Gurriaran - resté fanatiquement pacifiste tout en épousant la cause arménienne - est préservée. Tout juste sorti de nombreuses opérations qui avaient miraculeusement sauvé ses jambes, il s’était véritablement rendu dans un camp d’entrainement de l’ASALA, à Beyrouth, pour rencontrer ses bourreaux, et tenter de les convertir à la non-violence ! En 2008, suite à un voyage en Arménie ex-soviétique, il a publié un second livre sur la question, Armenios, el genocidio olvidado, (les Arméniens, le génocide oublié, non traduit en français).

Victime du terrorisme, il défend donc la cause au nom de laquelle il avait été mutilé. Un beau paradoxe, pour cette année du centenaire du génocide arménien, toujours nié par les autorités d’Ankara, et un plaidoyer contre l’oubli, la banalisation et le déni.

 

Lien : http://www.marianne.net/veritable-histoire-fou-100237896.html

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