Interview d'Andranik Teymourian


Interview d'Andranik Teymourian

  • 13-11-2015 17:45:12   | Arménie  |  le sport

Andranik Teymourian est depuis quelques mois devenu le capitaine de la sélection iranienne. À 32 ans, il fait aujourd'hui partie des cadres d'une équipe rajeunie après un surprenant Mondial au Brésil. Arménien d'origine, chrétien de foi, l'ancien joueur de Bolton et de Fulham nous parle de son pays, de l'exercice de sa religion, de Carlos Queiroz et même un peu de bouffe.

Tu as été formé dans un club arménien à Téhéran. Est-ce qu'il y en a beaucoup en Iran ?

Oui, tu as quelques clubs arméniens en Iran, dont celui où j'ai été formé qui s'appelle le FC Ararat Tehran. C'est le plus populaire en Iran. D'ailleurs, les clubs arméniens peuvent jouer dans le championnat au même titre que les autres équipes. Par exemple, le FC Ararat jouait en première division il y a dix ans.

 

Est-ce important pour ta communauté d'avoir quelques représentants en sélection nationale ?

J'ai envie de te dire oui, bien sûr. Les Arméniens d'Iran ont toujours été ravis de me voir sur le terrain porter le maillot de l'Iran. D'ailleurs, je suis le dernier à l'avoir porté ces dix dernières années. Je me sens arménien, mais pour moi, je ne vois pas énormément de différences entre les Iraniens et nous. Ce qui est important pour moi, c'est que je puisse représenter mon pays sur le terrain autant que possible. Notre communauté se réduit chaque année. Mais nous restons nombreux et importants en Iran. Nous vivons une vie paisible, sans problème. Même pour un footballeur. Durant ma carrière, je n'ai vécu aucune discrimination. Tout est fait pour qu'on vive bien et qu'on se sente à l'aise. Tu sais, j'étais très heureux de jouer pour un club arménien, mais après, ça ne m'a pas empêché de jouer ailleurs en Iran.

 

La discrétion de vos églises, de votre foi, c'est aussi la raison pour laquelle vous êtes aussi bien intégrés, non ?

Bien sûr que c'est important, avec ma famille et mes amis, nous pouvons prier, nous sommes libres, nous n'avons pas de problème. Je peux même faire le signe de croix quand je marque un but.

 

Quel a été ton ressenti quand Carlos Queiroz t'a choisi pour être le capitaine de ta sélection après la Coupe du monde ?

J'étais très fier, c'était une grande surprise pour moi et pour ma communauté. Mais pour être honnête, je jouais pour mon pays depuis 2005. J'ai participé à ma première Coupe du monde en 2006, en Allemagne. Après, j'ai joué en Asian Cup en 2007, et depuis, je suis également allé à la Coupe du monde 2014, au Brésil. Donc on peut dire que j'ai de l'expérience et qu'au final, ce n'était pas une si grosse surprise que ça d'avoir été nommé.

 

Penses-tu qu'un coach iranien aurait fait le même choix ? Parce que tu es devenu quand même le premier capitaine chrétien de l'histoire de la sélection. Ce n'est pas rien.

Ce n'est, je pense, pas une question de religion. Quand Javad Nekounam (deuxième joueur le plus capé, ndlr) s'est retiré, j'ai pris le capitanat. Même si c'était une surprise, j'étais le plus ancien de l'équipe après Javad, comme je t'ai dit. Cela n'a rien à voir avec la religion, ou la politique. Tu sais, souvent, les gens ont une mauvaise opinion de l'Iran, mais chez nous, nous ne faisons pas de différences par rapport à la religion.

 

Quelle relation as-tu avec Carlos Queiroz ?

J'ai un immense respect pour lui. Il est très intelligent, il a un gros caractère, on travaille dur avec lui et il participe avec nous aux entraînements physiques. Il fait beaucoup de gym, Queiroz. Il est omniprésent avec ses joueurs et je pense que son caractère de gagneur, il l'a glané avec Sir Alex Ferguson à Manchester United. On a une équipe jeune maintenant, et il veut nous transmettre toute son expérience. Il nous parle de son expérience à Manchester presqu'à tous les entraînements. Il est très proche de nous. Ce qui m'a frappé, c'est qu'il s'adresse à moi de la même manière qu'à un jeune qui vient pour sa première sélection. C'est sans doute le meilleur coach que j'ai jamais eu, mais il ne m'était pas inconnu, car je le connaissais de vue. À l'époque où je jouais à Bolton et à Fulham, je l'avais déjà aperçu sur le banc de Manchester United.

 

Vous partagez un peu de votre culture et de votre pays avec lui ?

Oui, on mange souvent avec lui de la cuisine traditionnelle. D'ailleurs, Carlos raffole de la nourriture iranienne. Il a raison, parce que c'est l'une des meilleures au monde. As-tu essayé le Tahchin, par exemple ?

 

Le riz au poulet, à l'ail et aux œufs ?

Ah tu connais ! Tous nos plats peuvent vous laisser un goût à vie dans la bouche. Et c'est le cas pour Queiroz, je crois (rires).

 

Avant que tu ne partes pour le Brésil, il y a une photo où on te voit embrasser le Coran en présence d'un mollah. On te voit sourire et rire avec émotion… T'en gardes quel souvenir ?

C'est sans aucun doute la plus grande satisfaction de ma carrière d'avoir embrassé ce rituel. C'était une magnifique expérience. Ce mollah officiait non loin d'un de mes anciens clubs, donc c'était plaisant de le retrouver là. On ne plaisantait pas sur autre chose. Tu sais, je respecte tous les livres sacrés et il se trouve que ce livre vient de Dieu, tout comme le mien, la Bible. Je l'ai fait avec beaucoup de respect. Et je ne l'ai pas fait seul, je l'ai fait avec tous les Arméniens de mon pays. C'était incroyable.

 

Que penses-tu de votre Mondial 2014 ?

Pour être honnête, je pense qu'on a créé un peu la surprise à chaque match. Notamment contre le Nigeria et l'Argentine. Les gens pensaient qu'on serait catastrophiques, mais non… Après, ce qui a été dur pour nous, c'est la régularité sur nos trois matchs. Nous n'avions pas franchement l'habitude des poules à quatre équipes. C'est là qu'on a pêché, je pense.

 

Jouer contre Messi, Agüero et Džeko, ça a quel saveur quand on vient de si loin ?

Le fait de jouer contre de tels joueurs, c'était surréaliste. Bon, moi, j'ai joué en Premier League, donc je connais un peu. Mais les jeunes de la sélection, ces gars-là, ils les voient d'habitude à la télé. Je n'ai en revanche pas demandé leurs maillots, j'ai laissé ça aux plus jeunes.

 

T'es optimiste pour le futur de ta sélection ?

En cette période, on a de bons joueurs, je dirais même de très bons jeunes joueurs. J'espère qu'ils évolueront correctement et iront dans de grands clubs à l'étranger. Je pense par exemple que l'arrière ou milieu de terrain Ehsan Hajsafi (transféré cet été au FSV Francfort ndlr) aurait dû davantage intéresser la Ligue 1.

 

Source: So Foot

  -   le sport