Tous les sept ans à Etchmiadzine, le Vatican de l’Église apostolique arménienne, un événement majeur a lieu pour les fidèles. Le saint chrême est préparé selon la recette décrite dans le Pentateuque. Cent ans après le génocide des Arméniens, et depuis la fin de l’Union soviétique, cette Église connaît un véritable renouveau, généreusement soutenu par la diaspora, qui pourrait être couronné par un retour prochain de la vie monastique disparue depuis un siècle.
Le sanctuaire d’Etchmiadzine est plein. Depuis la grande messe du matin du 27 septembre, religieux et laïcs sont des milliers à être venus assister à la préparation du saint chrême, le myron, qui aura lieu avant la tombée du jour. Dans l’Église principale résonne la liturgie prononcée dans la langue du Ve siècle et célébrée par Sa Sainteté Garéguine II, le patriarche suprême et catholicos de tous les Arméniens, assisté de douze archevêques représentant les diocèses du monde entier.
Cette cérémonie est en effet l’une des plus importantesdu rite arménien. Elle est codifiée dans l’Exode (30, 22-31) et permet de « servir aux onctions de qui me sera consacré parmi vous, et parmi les enfants qui naîtront de vous ». Dans le texte biblique, Dieu s’adresse ainsi à Moïse : « Tu prendras aussi des aromates de premier choix : myrrhe franche, cinq cents sicles (1) ; cinnamome odorant, la moitié, soit deux cent cinquante ; jonc aromatique deux cent cinquante ; enfin casse (cannelle), cinq cents sicles au poids du sanctuaire, puis de l’huile d’olive, un hîn (2). Tu en composeras une huile pour l’onction sainte, manipulant ces aromates à l’instar du parfumeur. Tu en oindras la tente d’assignation (tabernacle) puis l’arche du testament ; la table avec tous ses accessoires, le candélabre avec les siens et tout ce qui sert à son usage, l’autel du parfum, celui des holocaustes avec tous ses ustensiles et la cuve avec son support. Tu les sanctifieras ainsi, et ils deviendront éminemment saints. Tout ce qui y touchera deviendra saint. Tu en oindras aussi Aaron et ses fils, et tu les consacreras à mon ministère. »
Une recette suivie au iota près
Une recette appliquée à la lettre par les Arméniens, mais qui, chez les catholiques romains, est un simple mélange d’huile d’olive et de baume de Judée, une espèce de résine très odorante venant d’un arbre que l’on trouve en Arabie et en Judée, le Commiphora opobalsamum. Elle est préparée chaque année dans leur diocèse par les évêques catholiques lors du Jeudi Saint. Au-delà de la recette, c’est le Saint-Esprit qui est censé agir lui-même dans la préparation. Chez les Arméniens, Il pose son souffle sur les quarante plantes, épices et gommes odoriférantes qui ont été bouillies ensemble dans l’huile d’olive pendant exactement quarante jours.
La préparation est accompagnée chaque jour d’une liturgie particulière. Le catholicos ajoute à la préparation initiale de l’essence de rose, du myron béni il y a 7 ans pour marquer la continuité dans la transmission de la foi, et du myron apporté par le catholicos d’Etchmiadzine. C’est aussi un signe d’unité entre les deux catholicosats de l’Église arménienne. Le catholicos incorpore ensuite d’infimes portions du saint chrême apporté en Arménie, selon la tradition, par l’apôtre saint Jude Thaddée, ainsi que celui qui avait été consacré par saint Grégoire l’Illuminateur, évangélisateur et premier catholicos d’Arménie lui-même. Le célébrant souffle également sur le myron pour signifier la descente du Saint-Esprit – Etchmiadzine signifie d’ailleurs « Descente du Fils de Dieu ». Enfin, le catholicos mélange cette préparation et la bénit en y plongeant la relique même de la main droite de saint Grégoire.
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