Harut Sassounian.Dernière interview du génocidaire Talaat peu avant son assassinat


Harut Sassounian.Dernière interview du génocidaire Talaat peu avant son assassinat

  • 07-02-2016 22:31:16   | USA  |  Articles et analyses
Aubrey Herbert, diplomate britannique, voyageur, agent secret et membre du Parlement, a fait une interview rare de Talaat Pacha en février 1921, peu de temps avant qu’il ne soit assassiné par Soghomon Tehlirian à Berlin. 
 
En tant que grand vizir tout-puissant de l’Empire ottoman, son dirigeant despotique et cerveau du génocide arménien, Talaat s’était enfui de Turquie en novembre 1918 pour éviter le jugement du nouveau régime. L’interview de 23 pages avec Talaat a été publiée en 1924 (à Londres) et en 1925 (à New York) dans les mémoires d’Herbert intitulées Ben Kedim : A Record of Eastern Travel. 
 
Herbert avait rencontré Talaat pour la première fois en 1908, alors qu’il était en poste à l’ambassade britannique à Constantinople (Istanbul). Onze ans plus tard, Herbert avait reçu une lettre inattendue de Talaat, demandant de le rencontrer « dans un pays neutre ». Cherchant désespérément à réhabiliter son image diabolique en Occident, Talaat affirmait « Qu’il n’était pas responsable des massacres des Arméniens, qu’il pouvait le prouver et qu’il était très désireux de le faire. » Herbert avait refusé la requête de Talaat et avait dit : « J’ai été très heureux d’entendre qu’il n’était pas le responsable des massacres des Arméniens, mais je ne pensais pas que notre rencontre ait une quelconque utilité à cette époque-là. » 
 
Cependant, Herbert est revenu sur sa décision en février 1921, quand Sir Basil Thomson, le directeur des services secrets britanniques, lui a ordonné de se rendre immédiatement en Allemagne et de rencontrer Talaat. Le rendez-vous secret a eu lieu le 26 février, dans la petite ville allemande de Hamm. 
 
Talaat a redit à Herbert que : « Lui-même avait toujours été contre la tentative d’extermination des Arméniens. » Encore plus incroyable, Talaat a déclaré « qu’il avait protesté deux fois contre cette politique, mais que les Allemands, dit-il, avaient rejeté ses objections. » 
 
Oubliant ses propres affirmations d’innocence concernant les massacres, Talaat a justifié les tueries à grande échelle en accusant les Arméniens d’avoir poignardé le pays dans le dos pendant la guerre. Se contredisant, Talaat a déclaré qu’il avait soutenu les Arméniens en prétendant « qu’il était en faveur d’accorder l’indépendance aux minorités, sous sa forme la plus étendue, et qu’il aurait étudié avec plaisir toute proposition qu’on lui aurait faite. » 
 
Talaat a ensuite rejeté la faute sur les Britanniques pour les massacres des Arméniens : « Vous, les Anglais, ne pouvez pas vous dégager de votreresponsabilité dans cette affaire. Nous, les Jeunes-Turcs, vous avons pratiquement offert la Turquie, et vous avez refusé. L’une des conséquences indéniables a été la destruction des minorités chrétiennes, que votre Premier ministre s’entêtait à traiter comme des alliées. Si les Grecs et les Arméniens sont vos alliés quand nous sommes en guerre contre vous, vous ne pouvez pas espérer que notre gouvernement turc les traite comme des amis. » 
 
Herbert et Talaat ont ensuite décidé de se rendre à Düsseldorf, Allemagne, où ils ont poursuivi leur conversation discrète deux jours de plus. Herbert a rapporté la tentative paradoxale de Talaat de dissimuler son rôle dans le génocide arménien, tout en justifiant ce crime abominable. Talaat a déclaré « Qu’il avait écrit un mémorandum sur les massacres des Arméniens et qu’il était très désireux que les hommes d’État britanniques le lisent. Au début de la guerre, en 1915, les Arméniens avaient organisé une armée et avaient attaqué les Turcs qui se battaient contre les Russes. Trois députés arméniens y avaient activement participé ; de prétendus massacres de musulmans avaient eu lieu, accompagnés d’atrocités sur les femmes et les enfants. Il s’était par deux fois opposé aux migrations forcées et il avait été l’auteur d’une enquête qui avait eu comme résultat l’exécution d’un certain nombre de Kurdes et de Turcs coupables. » 
 
Paradoxalement, Talaat avait dit avec aplomb à Herbert qu’il ne craignait pas d’être assassiné. « Il a dit qu’il n’y avait jamais pensé. Pourquoi quelqu’un ne l’aimerait-il pas ? J’ai dit que les Arméniens pourraient très bien vouloir se venger, après tout ce qui avait été écrit sur lui dans les journaux. Il a écarté cette idée. » Deux semaines plus tard, Talaat était assassiné à Berlin par Soghomon Tehlirian ! 
 
Pour conclure son interview avec Talaat, Herbert fait observer : « Talaat est mort haï, exécré, comme peu d’hommes de sa génération l’ont été. Il a peut-être été tel qu’on l’a décrit – je ne peux pas le dire. Je sais qu’il avait un pouvoir et un attrait rares. Je ne sais pas s’il était responsable ou non des massacres des Arméniens. » 
 
Seuls des spécialistes de cette époque peuvent vérifier l’authenticité et l’exactitude de cette longue interview. Si elle est véridique, quels étaient les objectifs de Talaat en proposant « une alliance anglo-turque » et pourquoi le gouvernement britannique voulait-il tellement lui parler ? 
 
 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
 
 
 
 
 
 
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