Harut Sassounian .Récit personnel de Talaat sur les massacres des Arméniens


Harut Sassounian .Récit personnel de Talaat sur les massacres des Arméniens

  • 15-02-2016 15:34:11   | USA  |  Articles et analyses

 
 
Dans mon éditorial de la semaine dernière, je disais que Talaat Pacha, le cerveau du génocide des Arméniens, avait déclaré en 1921 à l’agent de renseignements britannique, Audrey Herbert, qu’il avait écrit « un mémorandum sur les massacres des Arméniens. » 
 
J’aimerais maintenant présenter de courts extraits du long récit de Talaat, publié dans la revue Current History de novembre 1921, le magazine mensuel de The New York Times, intitulé : Le récit de l’ancien grand vizir, écrit peu de temps avant son assassinat, expliquant pourquoi et comment la Turquie est entrée en guerre – L’alliance secrète qui a précédé le conflit – Les causes des massacres des Arméniens comme le rapporte l’homme qui les a ordonnés. 
 
Dans une note d’introduction, les éditeurs de Current History expliquent comment ils ont obtenu une copie de ce récit révélateur : « … Après le décès de Talaat, le manuscrit est passé dans la possession de sa femme, qui est restée en Allemagne ; elle n’en a pas encore publié l’intégralité, mais après l’acquittement de l’assassin de son mari, elle a autorisé le correspondant à Paris de Vakit, un journal libéral turc, publié à Constantinople, de reproduire les parties les plus intéressantes du récit. Elles ont été traduites du turc pour Current History par M. Zekeria, originaire de Constantinople. Elles représentent environ cinquante pages du manuscrit original. La phrase d’introduction « Je ne dis pas toute la vérité, mais tout ce que je dis est la vérité » a produit une grande sensation en Turquie. 
 
Dans ses mémoires, comme dans son interview avec Audrey Herbert, Talaat essaie de s’exonérer en faisant porter la responsabilité des massacres des Arméniens à d’autres – les Arméniens, les Russes et même les Turcs. Il ne nie pas « les déportations des Arméniens, dans certaines localités des Grecs et en Syrie de certains Arabes », mais il affirme que ces rapports « ont été extrêmement exagérés ». Talaat ajoute ensuite : « En disant cela, je ne cherche pas à nier les faits. Je désire seulement éliminer les exagérations et relater les faits tels qu’ils se sont déroulés. » 
 
L’ancien grand vizir confesse : « J’admets que nous avons déporté de nombreux Arméniens de nos provinces orientales, mais nous n’avons jamais agi à ce sujet, selon un plan préparé à l’avance. » La responsabilité de ces actes en revient tout d’abord aux déportés eux-mêmes. La Russie, afin de mettre la main sur nos provinces orientales, avait armé et équipé les habitants arméniens de ce district et avait organisé des forces arméniennes puissantes de bandits dans ladite région. » 
 
Essayant de redorer son image ternie, Talaat reconnaît les brutalités turques commises contre des Arméniens : « J’admets aussi que la déportation n’a pas été menée de façon légale partout. Dans quelques endroits, des actes illégaux ont été commis… Certains responsables ont abusé de leur autorité et en de nombreux endroits, les gens ont pris des mesures préventives de leur propre initiative et des gens innocents ont été molestés. Je le confesse. » 
 
Poursuivant sa rhétorique visant à sauver la face, Talaat concède : « Je confesse également que le devoir du gouvernement était de prévenir ces abus et atrocités, ou du moins de pourchasser les auteurs et de les punir sévèrement. Dans de nombreux endroits, là où les propriétés et les biens des personnes déportées ont été pillés et les Arméniens molestés, nous avons arrêté ceux qui étaient responsables et les avons punis selon la loi. Je confesse cependant que nous aurions dû agir plus sévèrement, et ouvrir une investigation générale afin de découvrir tous les promoteurs et pilleurs et les punir durement. Mais nous ne pouvions pas faire cela. Bien que nous ayons puni de nombreux coupables, la plupart d’entre eux ont été épargnés. » 
 
Talaat fournit des excuses pour ne pas avoir poursuivi les auteurs des massacres des Arméniens qui « avaient une vision à court terme, étaient fanatiques et pourtant sincères dans leurs convictions. L’opinion publique les a encouragés et ils bénéficiaient de l’approbation générale. Ils étaient nombreux et forts. Leur punition ouverte et immédiate aurait suscité un grand mécontentement parmi la population qui appréciait leurs actes. Une tentative pour arrêter et punir tous ces auteurs aurait créé l’anarchie en Anatolie, à un moment où nous avions grandement besoin d’unité. » 
 
Pour rétablir les faits, les affirmations de Talaat selon lesquelles les Arméniens auraient donné un coup de poignard dans le dos à la Turquie pendant la Première Guerre mondiale sont complètement fausses. Dans une lettre à l’évêque de Konya, le ministre de la Guerre, Enver Pacha, commandant en chef des Forces armées ottomanes, loue le courage des soldats turco-arméniens se battant contre l’armée russe à l’hiver 1914-1915. 
 
Paradoxalement, l’assertion de Talaat disant que son gouvernement aurait pris des mesures brutales contre les Arméniens même « en temps de paix », reconfirme les pratiques génocidaires turques de longue date, comme le prouvent les précédents massacres hamidiens et ceux d’Adana qui ont été commis alors qu’il n’y avait pas de guerre. 
The California Courier 
 
 
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