Harut Sassounian. Honte à la chancelière allemande Angela Merkel qui a cédé à l’intimidation d’Erdogan


Harut Sassounian. Honte à la chancelière allemande Angela Merkel qui a cédé à l’intimidation d’Erdogan

  • 22-04-2016 17:15:37   | USA  |  Articles et analyses

Il est déjà assez déplorable que le président turc Erdogan veuille porter plainte contre un humoriste allemand pour insultes ! Il est encore plus scandaleux que la chancelière allemande Angela Merkel autorise les poursuites, sur la base d’une loi datant du 19e siècle ! 
 
En vertu de cette loi archaïque, toute personne qui offense un dirigeant étranger peut être poursuivie en justice, si le gouvernement allemand autorise l’ouverture des poursuites. Erdogan rejoint donc les rangs dictatoriaux du shah Mohammad Reza Pahlavi d’Iran et du dirigeant chilien Augusto Pinochet, qui avaient intenté des procès similaires en Allemagne. 
 
Merkel, qui dans un premier temps avait défendu le droit des libertés de la presse et d’opinion du citoyen allemand, contrairement aux lois répressives turques, a ensuite honteusement cédé à la menace d’Erdogan d’inonder l’Europe de réfugiés syriens, après avoir accepté plusieurs milliards de dollars pour bloquer ces migrants ! 
 
Merkel, Obama et les autres ne semblent pas comprendre qu’apaiser un tyran ne peut que mener à davantage d’intimidation. La meilleure façon de calmer un tyran est simplement de dire « Non ! ». Bien sûr, Erdogan va piquer sa crise de colère comme un sale gosse, menacer et probablement rappeler son ambassadeur ! Mais, au bout d’un moment, il apprendra qu’il ne peut pas imposer sa volonté en dehors de la Turquie et que le reste du monde ne va pas courber l’échine devant ses diktats sultanesques ! 
 
Pendant des décennies, les dirigeants américains, britanniques et israéliens ont commis la même erreur humiliante de céder aux menaces d’Erdogan et de ses prédécesseurs en ne prononçant pas les mots « génocide arménien ». Si ces dirigeants étrangers avaient juste dit non dès le premier jour, ils se seraient épargnés des années de menaces croissantes ! Malheureusement, ils ont permis que la queue remue le chien ! 
 
En apaisant le tyran turc, Merkel s’est engagée sur une pente glissante. Elle a fait la grave erreur de penser qu’en autorisant l’ouverture de poursuites à l’encontre du satiriste allemand, elle s’achetait l’amitié d’Erdogan ! La chancelière allemande sera bientôt confrontée à de nouvelles exigences du président turc concernant les réfugiés syriens et bien d’autres thèmes, tel que le vote prévu en juin au Bundestag sur le génocide arménien, qui a déjà été repoussé plusieurs fois sous les menaces turques. 
 
Ce geste peu avisé et non démocratique de Merkel pourrait entraîner une fracture au sein de son gouvernement de « grande-coalition ». Thomas Oppermann, le président au Bundestag des sociaux-démocrates de centre gauche, a critiqué sa décision, exhortant la chancelière à supprimer cette loi archaïque. Des chefs d’État étrangers n’ont pas à jouir de droits spéciaux pour poursuivre en justice des citoyens allemands, a averti Oppermann. 
 
Deux ministres influents du gouvernement Merkel ont également annoncé leur opposition à sa décision. Le ministre des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, et le ministre de la Justice, Heiko Maas, ont déclaré : « La liberté d’opinion, des médias et de la culture sont les plus grands trésors de notre Constitution. » 
 
De plus, selon un récent sondage, deux tiers des Allemands sont opposés à la décision de Merkel d’autoriser les poursuites pénales. Ces derniers jours, sa cote de popularité est tombée de 56% à 45%. D’après un autre sondage, 66% des répondants sont opposés au procès du satiriste, tandis que 22% sont pour. La chaîne publique allemande ZDF, qui a posté la vidéo du satiriste sur Erdogan, a promis son soutien juridique total pendant l’investigation. 
 
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a aussi critiqué la réaction excessive et inacceptable d’Erdogan. Selon le journal turc Hurriyet, Juncker a promis de ne pas faire de compromis sur les valeurs européennes, dans le but de préserver l’accord récemment conclu avec Ankara pour endiguer les flots de migrants. « Je ne comprends absolument pas qu’un ambassadeur allemand ait été convoqué en raison d’une chanson satirique, difficile il est vrai. » Juncker a déclaré le 13 avril : « Cela ne rapproche pas le Turquie de l’UE. Cela ne fait que l’éloigner davantage. » 
 
Selon le New York Times, Erdogan a intenté presque 2000 procès en Turquie contre ceux qu’il accuse de l’insulter. Le président turc a déjà porté plainte contre le satiriste auprès d’un tribunal allemand en tant que personne privée. Il risque trois ans de prison et une amende non spécifiée, s’il est déclaré coupable. 
 
Dans son poème sarcastique, le satiriste Jan Böhmermann, fait référence à des relations sexuelles avec des chèvres et aux minorités opprimées. Il a qualifié Erdogan d’être « bête comme un panier, de lâche et d’inhibé » et de « pervers, infesté de poux… bombardant les Kurdes, frappant les minorités, tout en regardant des films pornos pédophiles. » 
 
Aussi insultant que le poème puisse être, l’auteur devrait avoir le droit d’exprimer librement son opinion. C’est une chose si Erdogan, le dirigeant dictatorial d’un pays du tiers monde, réprime les médias. Mais c’en est une autre complètement différente quand le chef d’État d’une démocratie européenne occidentale prend le parti du sultan d’un État fasciste du Moyen-Orient. À cet égard, la transgression d’Angela Merkel est pire que celle d’Erdogan ! 
Harut Sassounian 
The California Courier 
  -   Articles et analyses