Harut Sassounian.Un membre du Bundestag : "Les Jeunes-Turcs sont des traîtres ; Talat et Enver des criminels"
14-07-2016 15:25:10 | USA | Articles et analyses
Cem Özdemir, co-président du parti des Verts, a fait un discours passionné au Parlement allemand (Bundestag) le 2 juin 2016, pour soutenir la résolution reconnaissant le génocide des Arméniens commis par la Turquie ottomane, et admettant dans le même temps la complicité de l’Allemagne dans ce crime de masse.
Özdemir, né en Allemagne, est le fils de migrants turco-circassiens (Tcherkesses). C’est la première personne d’origine turque à avoir été élue au Bundestag (1994-2002). Il a réintégré le Parlement allemand en 2013, après avoir été au Parlement européen de 2004 à 2009.
La résolution sur le génocide des Arméniens, qui a obtenu le soutien de tous les partis du Bundestag et qu’Özdemir a défendue ardemment, a été adoptée à une quasi unanimité par le Parlement allemand, avec seulement un vote contre et une abstention.
Voici quelques extraits traduits du remarquable discours d’Özdemir, effectué devant le Parlement allemand le 2 juin, tandis qu'il portait sur le revers de son costume, l’insigne du myosotis ‘Ne m’oublie pas’, symbolisant le Centenaire du génocide des Arméniens.
« Il ne peut être question de pertinence du temps lorsque l’on parle de sauvagerie inimaginable, tel qu’un génocide. Nous savons qu’après des va-et-vient longs et fatigants, l’Allemagne, en tant que complice du crime, qualifie ouvertement cet événement par le mot qui convient…. Ceci constitue un chapitre dans l’histoire allemande. » Özdemir a rappelé les mots cruels et insensibles du Chancelier impérial allemand, Bethmann Hollweg : « Notre seul objectif était de garder la Turquie de notre côté pendant toute la durée de la guerre. Que les Arméniens soient éradiqués ou pas ne faisait aucune différence. »
Dans une déclaration forte, Özdemir s’est adressé directement aux invités arméniens présents lors de la session du 2 juin au Parlement : « Que nous soyons devenus les complices de cet horrible crime dans le passé ne signifie pas que nous serons les complices des négationnistes aujourd’hui. »
Özdemir a poursuivi en exhortant les résidents turcs d’Allemagne à être fiers des « Turcs héroïques » qui ont sauvé des Arméniens pendant le génocide, et non des « criminels, tels que Talaat et Enver. »
Le parlementaire turco-allemand a ensuite déclaré que l’expression la plus sordide, qui le fait beaucoup souffrir est l’utilisation en Turquie du mot « Arménien » comme une « injure ». « Ils me demandent si je suis Arménien. Je ne considère pas que le fait d'être Arménien soit une insulte. Étant issu d’une famille musulmane sunnite, le christianisme oriental ne me met pas mal à l’aise. »
Özdemir a cité son ami arménien de Turquie, Hrant Dink, qui a été assassiné à Istanbul par un extrémiste turc : « Si les Arméniens vivaient à Van aujourd’hui, cette ville serait le Paris de l’Orient. » Lors de sa visite en Arménie en mars 2015, Özdemir a développé le propos de Dink dans une interview accordée à Civilnet : « Je suis allé au musée du Génocide et j’ai lu les noms et les professions de ceux que nous avons perdus. C’étaient les intellectuels les plus brillants et les plus avant-gardistes, et ils ont été tués, en commençant par des architectes, des intellectuels, des journalistes, des écrivains… L’Empire ottoman a exterminé les citoyens les plus progressistes de son histoire. L’Empire ottoman a subi une perte immense. Je pense que l’une des raisons pour laquelle la Turquie ne fait pas partie des pays les plus développés aujourd’hui, c’est que les Jeunes-Turcs n’étaient pas des héros, mais des traîtres. Ils ont nui aux Arméniens, aux Assyriens et aux Turcs également. »
Le parlementaire turco-allemand a terminé son discours de neuf minutes, qui a souvent été interrompu par un tonnerre d’applaudissements, en déclarant que « les membres du Bundestag ne devraient être menacés parce qu’ils expriment leurs idées. Je suis sûr que l’immunité parlementaire ne sera pas levée ; je ne serai pas frappé ou tué. Je ne peux pas en dire de même pour mes collègues en Turquie ! »
Toutefois, Özdemir n’a pas anticipé le fait qu’après l’adoption de la résolution sur le génocide des Arméniens, lui et ses collègues parlementaires turcs seraient placés sous protection policière, suite aux nombreuses menaces de mort que des extrémistes turcs leur ont envoyées.
Dans une déclaration rappelant l’ère du profilage racial sous Hitler, le président Erdogan a suggéré que les 11 députés turcs du Parlement allemand, qui ont soutenu la résolution, fassent une analyse de sang afin de prouver leur « turcité ». Entre-temps, des responsables de Tokat, en Turquie, la ville du père d’Özdemir, ont effacé son nom de la liste des fils honorables de la ville.
Cependant, après avoir fait des menaces de représailles grandiloquentes, le président Erdogan a été contraint de se réfréner lui-même, comprenant que des mesures aussi irresponsables ne pourraient qu’avoir un effet dévastateur sur l’économie turque déjà défaillante !