Harut Sassounian.Le coup d’État en Turquie toujours en cours : le conflit maintient la Turquie dans le chaos


Harut Sassounian.Le coup d’État en Turquie toujours en cours : le conflit maintient la Turquie dans le chaos

  • 27-07-2016 15:25:12   | USA  |  Articles et analyses

La plupart des Arméniens ont été remplis de joie en entendant qu’un coup d’État avait lieu en Turquie pour renverser le président turc Erdogan.
 
Même moi, j’ai vécu un instant d’euphorie, jusqu’à ce que je me rappelle que si Erdogan était un dirigeant fasciste, l’armée turque était pire ! Pendant les quatre derniers coups d’État en Turquie - 1960, 1971, 1980 et 1997 - lorsque les généraux ont pris le pouvoir, des emprisonnements, des actes de tortures et des tueries s’en sont suivi. Erdogan n’est absolument pas un dirigeant démocratique, mais ses opposants militaires pourraient être bien plus vicieux ! C’est la raison pour laquelle aucun des partis d’opposition en Turquie, pas même les Kurdes opprimés, n’ont soutenu les putschistes, comprenant le sort tragique qui les attendaient sous un régime militaire.
Au lieu de s’empresser de saluer la tentative de coup d’État, les Arméniens auraient dû saluer la survie du président turc ! Il faut bien considérer qu’Erdogan est principalement un islamiste, alors que les militaires sont des nationalistes enragés. Bien sûr, Erdogan n’est pas l’ami des Kurdes, des Arméniens, des défenseurs turcs des droits de l’homme, des journalistes et des opposants politiques. D’un autre côté, un régime militaire aurait été un cauchemar sans nom pour tout le monde, tant en Turquie qu’en dehors, en particulier pour l’Arménie et l’Artsakh (Nagorno Karabagh) voisins. Nul besoin de remonter jusqu’en 1915 pour se souvenir des actes meurtriers commis par l’armée turque envers 1,5 millions d’hommes, de femmes et d’enfants arméniens. Plus récemment, lors de l’invasion de Chypre en 1974, l’Armée turque a commis des actes de guerre ignobles contre des milliers de civils grecs !
Le maintien au pouvoir d’Erdogan est peut-être le plus grand cadeau pour tous ceux qui souhaitent que la Turquie reste la risée du monde. Ses idées extrémistes sur les questions sociales, politiques et religieuses ne plaisent qu’à ses partisans radicaux, mais elles contrarient tous ceux qui font preuve de compassion et de bon sens.
Lorsque la nouvelle de la chute d’Erdogan s’est avérée fausse, ceux qui célébraient son départ prématuré ont répandu la rumeur que le président turc lui-même avait organisé cette opération pour se débarrasser de ses opposants. Pour croire à cette option tirée par les cheveux, il faut alors ignorer le fait que le coup a été monté par un groupe d’officiers de haut rang très affaiblis, puisqu’Erdogan a passé une grande partie de cette dernière décennie à purger l’armée turque. C’est un miracle si après avoir menacé, condamné, emprisonné ou obligé à partir en retraite des militaires, il y a encore des putschistes dans l’armée turque ! Les commandants expérimentés ont été remplacés par des amateurs, dont le seul talent consiste à se soumettre entièrement à tous les désirs et caprices d’Erdogan !
De plus, le coup d’État a été mal organisé et a permis à Erdogan de ne pas être arrêté après avoir eu vient du complot et de passer à la télévision pour inciter ses partisans fanatiques à affronter les tanks dans les rues !
Les principaux médias américains ont comme d’habitude trompé le public en qualifiant à plusieurs reprises Erdogan de « dirigeant démocratiquement élu » qui a apparemment un « soutien public massif » et est un « allié important des USA dans la lutte contre Daech » !
Que va-t-il se passer maintenant ? Erdogan va exploiter cette chance en or pour renforcer sa mainmise sur le pouvoir en devenant encore plus vindicatif et autocratique que jamais. Il écrasera d’un poing d’acier quiconque osera être en désaccord avec lui.
À présent, le dirigeant turc élimine agressivement tous les opposants suspects en arrêtant des milliers d’officiers militaires, y compris 102 généraux, et en renvoyant plus de 10000 responsables de la sécurité et 3000 membres du système judiciaires qui n’ont rien à voir avec le coup d’État ! Ils seront certainement remplacés par ses serviteurs obéissants pour s’assurer que les verdicts des tribunaux envers ses rivaux politiques soient les plus sévères qui soient, très probablement la peine de mort, ce qui mettra fin à la demande d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne !
Le seul adversaire d’Erdogan hors d’atteinte est le religieux islamique Fethullah Gulen, un ancien allié, qui s’est exilé volontairement et vit en Pennsylvanie. Le président turc accuse à tort Gulen d’avoir orchestré le coup d’État de la semaine dernière, dans le but d’éliminer son principal opposant ! Il reste à voir si Erdogan réussira à harceler le président Obama pour qu’il extrade Gulen en Turquie.
Contrairement à ce qu’affirment les rapports trompeurs du gouvernement turc, le coup n’a pas été complètement écrasé. Comme l’indique le titre de cet éditorial, quatre jours après l’insurrection, Erdogan est toujours cloîtré à Istanbul et n’est pas en mesure de rentrer dans son palais colossal et vide à Ankara !
Tous ceux qui en ont assez de l’ingérence de la Turquie dans les affaires des pays voisins préféreront certainement des affrontements fratricides prolongés entre les organisateurs du coup et la gouvernance autocratique du régime. Ceci devrait garder la Turquie préoccupée par ses propres problèmes domestiques, diminuant ainsi sa capacité à menacer la sécurité de l’Arménie, l’Artsakh, Chypre, la Grèce, l’Iran, l’Irak et la Syrie !
 
 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
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