Harut Sassounian .Erdogan fait de la Turquie un vaste goulag : certains de ses actes évoquent 1915


Harut Sassounian .Erdogan fait de la Turquie un vaste goulag : certains de ses actes évoquent 1915

  • 10-08-2016 12:02:33   | USA  |  Articles et analyses

Des développements inquiétants dépassant toute imagination ont lieu en Turquie sous couvert de capturer les conspirateurs du coup d’État. Qualifiant le coup d’État du 15 juillet « de cadeau d’Allah », le président Erdogan exploite l’occasion de réaliser son rêve tant attendu de devenir non seulement un sultan, mais également Staline et Hitler à la fois !
Peu de temps après le putsch, Erdogan a ordonné l’arrestation et le renvoi de dizaines de milliers d’officiers militaires (y compris des centaines de généraux et d’amiraux), d’officiers de police, d’universitaires, de juges et de journalistes. Il a également fait fermer des centaines d’écoles privées. Ces actions ont été si rapides qu’il est difficile de croire qu’une liste aussi complète ait pu être compilée dans un laps de temps aussi court. En réalité, le dictateur turc n’a pas eu à préparer de liste, car il a arrêté et renvoyé tous ceux qui n’étaient pas ses partisans !
Le 20 juillet, par un vote de 346 voix contre 115, le Parlement turc a approuvé une résolution déclarant l’état d’urgence pour 90 jours et a donné carte blanche à Erdogan pour gouverner par décret présidentiel pendant 30 jours. Ces deux dates butoir seront probablement prolongées. Les 115 parlementaires qui ont osé voter contre la loi vont peut-être payer cher leur déloyauté, car ils pourraient être déchus de leur immunité parlementaire et accusés de participation au coup d’État. Afin de prévenir tout contrôle judiciaire de ses actions illégales, le gouvernement turc a informé le Conseil de l’Europe qu’il n’accepterait plus la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme !
Il existe des parallèles inquiétants entre les mesures draconiennes prises par le régime d’Erdogan et les actions tyranniques engagées contre les Arméniens et d’autres minorités chrétiennes dans la Turquie ottomane pendant leurs génocides de 1915 à 1923.
1) Le gouvernement turc a saisi les biens des suspects du coup du 15 juillet. Après leur probable condamnation, ces biens seront remis à l’État, comme cela a été le cas avec les propriétés confisquées aux Arméniens déportés et massacrés, et aux autres, à partir de 1915 ;
2) Tous les partisans d’Erdogan tués ou blessés pendant la tentative de coup d’État obtiendront des compensations provenant des biens des conspirateurs présumés. Une mesure similaire a été prise pendant le génocide arménien, lorsque les biens pillés des Arméniens ont été donnés aux migrants turcs en provenance des Balkans et aux familles des dirigeants jeunes-turcs assassinés par des vengeurs arméniens.
Can Dundar, l’éditeur du journal d’opposition Cumhuriyet a pris un gros risque personnel en affirmant courageusement qu’avec l’instauration de l’état d’urgence la Turquie aurait « un régime oppresseur où les libertés seront gelées, la presse contrôlée et le Parlement éliminé. » Dundar n’a pas reconnu que ces conditions oppressives existaient déjà en Turquie bien avant la tentative de coup. De fait, Erdogan a révélé ses plans dictatoriaux sournois il y a plus de 10 ans : « La démocratie, c’est comme un train. Vous le prenez jusqu’à votre destination, et puis vous en descendez ! »
Ayant atteint le terminus de son « trajet en train », Erdogan a annoncé qu’il rétablirait la peine de mort contre « les conspirateurs du coup », un bon moyen de se débarrasser de ses adversaires politiques ! Les représentants de l’Union Européenne ont prévenu le président turc qu’une telle mesure empêcherait définitivement la candidature de la Turquie à l’UE.
De plus, Amnesty International a publié un rapport cinglant, documentant les nombreuses violations des droits des détenus et accusant les forces de sécurité d’Erdogan de torturer, d’affamer et même de violer les soldats accusés de complicité dans le coup d’État ! De plus, les détenus n’ont pas eu le droit de consulter leurs avocats.
Dans sa ferveur obsessionnelle d’éliminer ses adversaires politiques, Erdogan a demandé aux États-Unis d’extrader en Turquie son grand rival, le guide islamique Fethullah Gulen, au motif qu’il aurait organisé le coup de juillet. Dans une initiative raciste visant à dénigrer Gulen, les sbires d’Erdogan l’ont également accusé d’être d’origine arménienne et d’avoir écrit une lettre à l’ex-patriarche arménien de Turquie il y a 50 ans, reconnaissant le génocide arménien !
L’influente Commission internationale des juristes (ICJ) a publié deux rapports le 18 et le 21 juillet, décrivant les mesures sévères prises par le régime Erdogan comme étant « arbitraires et contraires aux principes fondamentaux de l’État de droit. » En outre, le Secrétaire général de l’IJC, Wilder Taylor, a averti la Turquie : « Il existe des droits humains qui ne peuvent pas être restreints, même sous l’état d’urgence, en particulier le droit à la vie, l’interdiction de la torture ou de la maltraitance et les éléments essentiels de la privation arbitraire de liberté, et le droit à un procès équitable. »
Le président Erdogan a causé davantage de dommages à la nation turque que les soi-disant conspirateurs du coup en arrêtant et en renvoyant plus de 60 000 soldats, représentants gouvernementaux et autres civils, émasculant ainsi l’armée autrefois puissante et sapant la sécurité du pays.
 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
 
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