Un livre récemment publié, intitulé Remembering for the Future: Armenia, Auschwitz, and Beyond,*édité par Michael Berenbaum, Richard Libowitz et Marcia Sachs Littell, réunit des articles universitaires présentés lors d’une conférence qui a eu lieu à l’université juive américaine de Los Angeles, du 8 au 11 mars 2014. 

 

Dans son article Le génocide arménien en tant que djihad, le professeur Richard Rubenstein attribue les massacres de masse des Arméniens au fanatisme islamique contre les chrétiens. C’est un sujet souvent mal compris, même par les Arméniens eux-mêmes, qui proclament fièrement avoir été la première nation à avoir adopté le christianisme comme religion d’État en 301 après J-C. Il existe tout un folklore basé sur l’idée fausse que les Arméniens ont été martyrisés en raison de leur foi et de leur refus de se convertir à l’Islam. Étant donné la ferveur anti-islamique actuelle aux États-Unis et ailleurs, certaines personnes sont induites en erreur par ces fausses affirmations. 

 

Le professeur Rubenstein débute son article du mauvais pied quand il décrit une scène cruelle deRavished Armenia, un film muet de 1919 réalisé à Hollywood, qui montre plusieurs Arméniennes nues clouées à des croix de bois. Croyant que « les Turcs » avaient l’intention d’envoyer un message précis anti-arménien et anti-chrétien avec ces images horribles, le professeur Rubenstein a affirmé par erreur que le film : « ne pouvait pas avoir été tourné sans l’implication et l’autorisation des autorités turques. »

 

Le professeur Rubenstein base ses hypothèses sur un motif religieux motivant le génocide arménien, du fait que « l’Empire ottoman était gouverné comme un État théocratique au sommet duquel se trouvait le sultan, à la fois chef de l’État et, pour les musulmans sunnites, le calife, et en tant que tel, le successeur du prophète et le protecteur suprême de l’Islam. » 

 

Le professeur insiste sur un facteur causal religieux pour le génocide arménien, même après avoir cité un éminent chercheur, le Dr. Vahakn Dadrian, qui le contredit. Selon Dadrian, les membres du Comité Union et Progrès ou Ittihad, qui ont pris le pouvoir en 1908 et ont organisé le génocide arménien, n’étaient pas « des adeptes des principes fondamentaux de l’Islam…Si l’Ittihad a continué à diriger l’État comme une théocratie, ses leaders étaient personnellement athéistes et agnostiques. » Il est difficile de croire qu’un pieux musulman assassinerait un seul être humain, sans parler de millions ! 

 

Le Dr. Rubenstein souligne le rôle central qu’a joué l’Islam dans les massacres des Arméniens perpétrés par les Turcs, bien qu’il admette que « [Ronald] Suny et d’autres chercheurs aient argué du fait que le motif principal du projet d’homogénéisation meurtrier était le nationalisme et qu’il ne faisait aucun doute que le nationalisme radical avait joué un rôle. » Rubenstein rejette le sujet du pantouranisme, affirmant que « la motivation la plus importante pour ces projets de nettoyage ethnique monumental était religieuse et spécifiquement une conséquence de la nature inchangée de certains aspects de l’Islam. » 

 

Pour démontrer que la religion a été le facteur déterminant dans l’objectif des dirigeants turcs, le professeur déclare : « Le 2 novembre 1914, l’Empire ottoman a déclaré la guerre aux puissances de l’Entente, la Grande-Bretagne, la France, la Russie et leurs alliés. Le 13 novembre, le sultan ottoman, en sa qualité de calife, a émis un appel au djihad. Le jour suivant, le Sheikh-ul-Islam, en tant aussi que chef de l’autorité religieuse sunnite dans le monde ottoman, a émis une déclaration formelle (et incendiaire) de djihad ‘contre les Infidèles et les ennemis de l’Islam’. Des brochures de djihad en langue arabe ont également été distribuées dans les mosquées à travers le monde musulman qui offraient un plan détaillé des opérations d’assassinats et d’extermination de tous les ‘non-croyants’, exceptés ceux de nationalité allemande, pays allié de l’Empire à l’époque. Les bataillons de la mort et leurs chefs ‘étaient motivés tant par l’idéologie du djihad que par le panturquisme influencé par le nationalisme européen’. Si l’influence pratique du djihad sur les masses a été limitée, ‘il a par la suite facilité le programme gouvernemental de génocide à l’encontre des Arméniens.’ » 

 

Le professeur Rubenstein passe à côté du fait que la ferveur religieuse, plutôt que d’être la cause du génocide arménien, a été exploitée pour déchaîner les passions des foules turques fanatiques, afin de les dresser contre les Arméniens. 

 

À la place de la religion, la motivation primaire pour l’extermination des Arméniens a été leur élimination, car ils étaient vus comme une entrave à la turquification et un obstacle au grand projet d’établissement d’un empire pantouraniste s’étendant jusqu’en Asie centrale, souhaité par les dirigeants turcs. Bien qu’ils aient aussi été musulmans, un grand nombre de Kurdes ont été tués, pour la bonne raison qu’ils n’étaient pas turcs ! 

 

Les Arméniens chrétiens n’étaient pas en conflit avec les musulmans pieux et leur foi. De fait, de nombreux survivants du génocide arménien ont été protégés par des musulmans en Égypte, en Iran, en Irak, en Jordanie, au Liban, en Palestine et en Syrie. Les Arméniens se souviennent très bien du Chérif de la Mecque, Al-Husayn ibn Ali, qui a émis un édit en 1917 ordonnant aux musulmans de défendre les survivants arméniens du génocide, comme ils défendraient leurs propres familles. 

 

Le plan des Jeunes-Turcs visant à exterminer les Arméniens de la Turquie ottomane a été motivé par un nationalisme fanatique pan-turc plutôt que par une ferveur pan-islamique ! 

 

NdT : Se souvenir pour l’avenir : Arménie, Auschwitz et au-delà. 

 

 

 

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