Harut Sassounian.La législation française interdit de nouveau la négation du génocide arménien


Harut Sassounian.La législation française interdit de nouveau la négation du génocide arménien

  • 23-10-2016 15:29:16   | USA  |  Articles et analyses
Les deux Chambres de la législature française ont de nouveau adopté une loi pénalisant la négation des génocides reconnus par la France ou des Cours internationales, ou bien, la négation, la minoration ou la banalisation de façon outrancière d’autres génocides ou de crimes contre l’humanité, si elles sont accompagnées d’incitation à la violence ou à la haine. Le 14 octobre, le Sénat français a approuvé la nouvelle loi par un vote de 156 pour et 146 contre, suite à l’adoption de la loi par le Parlement le 6 juillet avec 305 pour et 157 contre. La loi prendra effet lorsque le président François Hollande l’aura ratifiée, ce qu’il s’est engagé à faire. 
 
La question qui se pose à présent est de savoir si le Conseil constitutionnel approuvera la loi proposée ou s’il l’a déclarera anticonstitutionnelle, comme il l’a fait en 2012, au motif qu’elle violait la liberté d’expression. Voici le contexte de cette saga compliquée : 
 
Le Parlement français a d’abord reconnu le génocide arménien le 29 mai 1998, suivi par le Sénat le 7 novembre 2000. Cependant, en raison d’élections intervenues entre les deux votes, le Parlement a dû l’approuver une deuxième fois, ce qu’il a fait le 18 janvier 2001, en déclarant : « La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915. » Le Premier ministre Lionel Jospin et le président Jacques Chirac ont ratifié la loi de reconnaissance le 29 janvier 2001. En réponse, la Turquie avait rappelé son ambassadeur de Paris. 
 
Étant donné que plusieurs membres des médias français ainsi que certains Turcs de France et leurs partisans continuent à nier le génocide arménien, la communauté arménienne de France a exigé la pénalisation des négationnistes, comme c’est le cas pour le génocide juif. Les Arméniens de France ont demandé une protection égale dans la loi, soutenant avec raison qu’il ne devrait y avoir aucune discrimination entre les victimes de génocides ! 
 
Après 10 ans de lobbying, les Arméniens de France et leurs soutiens ont finalement réussi à faire adopter une loi au Parlement le 22 décembre 2011, qui impose une peine d’un an de prison et 45 000 euros d’amende à toute personne niant le génocide arménien. Le Sénat a suivi le 23 janvier 2012, ce qui a entraîné une fois de plus le rappel de l’ambassadeur de Turquie à Paris ! 
 
Le Conseil constitutionnel a décidé le 28 février 2012 que la loi était anticonstitutionnelle et violait le droit à la liberté d’expression. La décision du Conseil a été absolument scandaleuse. Parmi les 11 membres du Conseil, certains avaient de graves conflits d’intérêts en raison des liens d’affaires que leurs familles entretenaient avec la Turquie, ou parce qu’ils s’étaient opposés à cette loi pendant leur mandat. Le plus stupéfiant, l’un des membres du Conseil faisait partie du conseil d’administration de l’Institut du Bosphore, un Think Tank turc qui a fait du lobbying contre cette loi ! Lorsqu’un journal français a révélé ces affiliations non éthiques, deux membres du Conseil se sont retirés de l’affaire. 
 
Le Conseil constitutionnel actuel est composé de 10 membres, dont trois faisaient partie de l’ex-Conseil qui avait rejeté la loi similaire en 2012. Heureusement, plusieurs autres nouveaux membres sont plus favorablement disposés envers la nouvelle loi. 
 
Plus important encore, la loi nouvellement adoptée, dite « Égalité et Citoyenneté » est très différente de la version de 2012. Le président Hollande ainsi que les parlementaires et la communauté arménienne de France se sont donné beaucoup de mal pour s’assurer que la nouvelle formulation soit conforme à la liberté d’expression. 
 
Bien que la liberté d’expression soit un droit très cher à toutes les démocraties, il faut garder à l’esprit plusieurs facteurs importants : 
 
1) La liberté d’expression est un droit beaucoup plus absolu aux États-Unis qu’en Europe où de nombreuses lois la restreignent. Cependant, même aux États-Unis il existe des limitations à ce qu’une personne peut dire ou écrire, en vertu de lois contre la calomnie et la diffamation. 
 
2) Dans les pays où la négation du génocide juif est interdite, alors la négation de tous les autres génocides, y compris le génocide arménien, devrait aussi être interdite. Pas de double standard entre les victimes de génocides ! 
 
3) Puisque la France a une loi qui reconnaît le génocide arménien, une sanction devrait être imposée à qui la viole, comme c’est le cas pour toutes les lois ! 
 
4) Les lois anti-négationnismes empêcheraient la Turquie d’exporter sa politique négationniste dans d’autres pays. 
 
5) Dans une France démocratique, il est désormais illégal de mentir à propos du génocide arménien, alors que dans la Turquie despotique il est illégal de dire la vérité ! 
 
 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
©Traduction de l’anglais C.Gardon pour le Collectif VAN – 20 octobre 2016 –www.collectifvan.org 
 
 
 
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