Harut Sassounian.Un député kurde de Turquie fait une allocution très dure et finit en prison
27-11-2018 09:58:47 | USA | Articles et analyses
Il y a quelque temps, Ferhat Encü, un député kurde de la province de Sirnak en Turquie, a fait des remarques extrêmement critiques sur les Turcs et la Turquie devant le Parlement à Ankara. Je viens de découvrir la vidéo de son allocution courageuse sur YouTube.
Encü, qui est membre du parti kurde HDP, est bien connu pour son opposition ferme au gouvernement turc en raison de la violence constante envers les Kurdes et des violations de leurs droits humains. En 2011, la force aérienne turque a bombardé un groupe de civils kurdes, tuant 34 d’entre eux, y compris plusieurs membres de la famille d’Encü !
Lors de son discours, Encü, âgé de 33 ans, a été menacé de nombreuses fois par des députés turcs. Il a ensuite été déchu de son immunité parlementaire et emprisonné. Il est toujours en prison !
Voici l’allocution de six minutes d’Encü devant le Parlement turc, pendant laquelle il a été constamment interrompu par des menaces : « Mon allocution sera brève et j’irai directement au but. Certains d’entre vous nous qualifient de tueurs. Mais qui tue des civils et qui est un tueur ? Vous ! »
Des menaces sont hurlées dans l’Assemblée : « Faites-le taire ! Attrapez ce terroriste et abattez-le ! »
Le président du Parlement : « Laissez-le parler. Dites ce que vous avez à dire et terminez. »
Encü a poursuivi : « Ici, ensemble, vous êtes forts ! Mais en vérité, vous n’êtes que des grandes gueules et rien de plus. Moi, en tant que Kurde – l’histoire est mon témoin – moi, en tant que Kurde, je vivais dans mon pays, le Kurdistan, à une époque où vous étiez des nomades vivant de la cueillette et où vous jouiez avec vos chevaux en Mongolie… »
Cris de l’Assemblée : « Abattez-le ! »
Encü : « Cette terre qui est soi-disant la vôtre n’est pas votre terre, pas plus que celle de l’AKP [parti du président Erdogan au pouvoir]. Cette terre est plus ancienne que vous tous. Elle appartient au vrai peuple… »
Le président du Parlement : « Vous serez sanctionné pour cela. Vous pouvez parler de ça en mangeant un kebab à midi. Vous soutenez les terroristes devant nous. »
Encü : « Les honorables Grecs et les Arméniens étaient ici… »
Cris de l’Assemblée : « Abattez ce terroriste ! »
Encü : « Nous, les Kurdes, sommes toujours là. Ni vos chars ni votre armée ne pourront nous déloger… »
Cris de l’Assemblée : « Nous avons détruit votre ville. »
Encü : « Vous pouvez la détruire, mais nous en reconstruirons des dizaines d’autres. Vous, les Turcs, vous n’êtes rien. Nous avons vaincu des monstres pires que vous à Silopi. Lâchez vos bombes. Tuez nos enfants. Tuez des civils, mais vous ne pourrez pas nous tuer en tant que Kurdes à Roboski, dans tout le Kurdistan ou dans ce que vous appelez la ‘Turquie’. L’humanité a vu pire que vous. Nous les avons vaincus… »
Le président du Parlement : « Vous irez en prison pour cela. Votre peine minimum sera de cinq ans. »
Encü : « Je m’en fiche. La vérité est plus importante que la vie… »
Cris de l’Assemblée : « Il mérite une balle. Arrêtez-le ! »
Le président du Parlement : « Nous avons demandé à la sécurité de venir. Il va être arrêté. »
Encü : « Nous, les Kurdes, serons toujours des Kurdes, avant que vous, les Turcs, ne soyez arrivés et [nous serons toujours des Kurdes] après votre départ d’ici. Votre ‘Turquie’ est la terre volée aux Grecs, aux Arméniens et aux Kurdes. L’histoire est mon témoin. »
Cris de l’Assemblée : « Ta tête va rouler. »
Encü : « Que pouvez-vous faire ? Je suis seul devant des centaines d’entre vous. Vous avez quoi dans le ventre ? »
Le président du Parlement : «Vous serez sanctionné pour cela. »
Encü : « Tuez-moi. Je dirai quand même la vérité. »
Le président du Parlement : « Dites ceci quand la sécurité sera là. En vertu de ce code pénal, je vous enverrai en prison pendant dix ans. Dix ans minimum. »
Cris de l’Assemblée : « Il doit être abattu ici-même. »
Encü : « Je vais terminer. »
Cris de l’Assemblée : « Tu paieras de ta vie pour ces mots ; sale Kurde ! »
Encü : « Aboyez tous autant que vous voulez. Je suis là, venez m’affronter… »
Cris de l’Assemblée : « Ça suffit. Où est la sécurité ? »
Encü : « Vous jouez aux durs quand vous êtes ensemble, mais individuellement, vous êtes des lâches. Notre jeunesse kurde l’a montré à votre armée. Pas un policier ni un soldat turc ne peut patrouiller dans une rue kurde. Vos soldats fuient devant nos jeunes. Comme en ce moment, vous n’êtes que de grandes gueules et vous jouez aux durs. Mais en face à face, vous n’êtes rien… »
Cris de l’Assemblée : « Que ce Kurde la ferme !
Encü : « Seul, en tant que Kurde, je peux m’en prendre à vous tous… »
Cris de l’Assemblée : « Le peloton d’exécution ! »
Encü : « Vous croyez que vous allez nous vaincre en nous tuant ; cela nous rend encore plus forts. Vous me qualifiez de ‘terroriste’, moi qui combats pour me libérer de votre occupation. Moi, j’ai vécu dans ce pays des milliers d’années, et vous arrivez et vous l’occupez. Je combats pour la liberté de mon peuple, pour la liberté comme toutes les autres nations… »
Cris de l’Assemblée : « Tu seras abattu ! »
Encü : « J’affronterai la mort et les balles avec courage pour ma liberté comme le feront les millions d’autres Kurdes. Aucune occupation ne dure éternellement. La liberté finit toujours par triompher… »
Cris de l’Assemblée : « Tu as signé ton arrêt de mort par une balle turque. Tu es un mort en sursis. Ne le laissez pas sortir vivant d’ici ! »
Le président du Parlement : « Retournez vous asseoir. Il est seul. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter. Il est seul. Nous sommes nombreux. Nous l’aurons. Retournez vous asseoir. »
Le courageux Ferhat Encü, qui s’est sacrifié, a rejoint les milliers d’autres Kurdes et Turcs innocents qui ont été arrêtés par le gouvernement turc ces dernières années pour avoir exprimé leurs opinions et pour certains sans aucune raison ! Il est scandaleux que les dirigeants mondiaux restent silencieux face aux massives et constantes violations turques des droits humains !