Harut Sassounian. Les dirigeants arméniens adoptent des positions fortes contre les USA et l’Azerbaïdjan


Harut Sassounian. Les dirigeants arméniens adoptent des positions fortes contre les USA et l’Azerbaïdjan

  • 08-04-2019 10:12:44   | USA  |  Articles et analyses

L’événement le plus important en politique étrangère arménienne cette semaine devait être la première session de négociations entre le Premier ministre de l’Arménie, Nikol Pachinian, et le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliyev, à propos du conflit de l’Artsakh. 
Le 28 mars 2019, alors qu’il s’exprimait devant le Parlement arménien, le Premier ministre Pachinian a critiqué le manque de réaction du gouvernement américain face aux changements démocratiques survenus en Arménie l’an dernier, qualifiés de « révolution de velours ». 
 
C’est la première fois que Pachinian utilise des termes aussi forts en parlant des États-Unis. « Les États-Unis se posent depuis longtemps comme les plus ardents défenseurs de la démocratie dans le monde », a dit Pachinian. « Je veux que l’on se pose tous la question : comment les États-Unis ont-ils réagi au changement sans précédent survenu en Arménie ? Ce fut un changement démocratique fondamental et profond, et personne ne peut le nier. Moi, par exemple, j’ai dit aux représentants de l’Amérique que j’estime que leur réaction a été inexistante. Pour quelle raison ? » 
Pachinian a ensuite défendu la ligne politique indépendante de l’Arménie, quelles que soient les pressions exercées par les grandes puissances sur Erevan. « Lorsque nous disons que la souveraineté de notre pays est d’une importance primordiale pour nous, cela ne signifie pas que nous avons besoin de remplacer une dépendance A [Russie] par une dépendance B [les États-Unis]. Nous prenons notre souveraineté très au sérieux et je veux vous assurer… que notre gouvernement est fermement résolu à protéger la souveraineté de notre pays et de notre peuple dans toutes les directions. » 
 
Jusqu’à aujourd’hui, l’Administration Trump n’a affiché qu’un intérêt de pure forme aux changements spectaculaires et pacifiques observés en Arménie. Le président Trump a envoyé un message de félicitations à Pachinian en septembre dernier, saluant la « révolution de velours », tout en exprimant sa disponibilité pour aider le nouveau gouvernement à mettre en œuvre des réformes radicales. De même, le Secrétaire d’État, Mike Pompeo, a salué les « changements remarquables » survenus en Arménie. Toutefois, ces belles paroles sont restées lettre morte. Aucune mesure concrète n’a été prise pour soutenir l’Arménie. Ceci est en partie dû au fait que l’Administration Trump se soucie comme d’une guigne des développements démocratiques dans des pays étrangers, et en partie au fait que le président Trump est trop absorbé par son propre ego et ses intérêts personnels ! 
 
La déclaration du Premier ministre Pachinian est une démarche positive pour la politique étrangère de l’Arménie, et une rupture nette avec la position des précédents dirigeants arméniens. Jusqu’à maintenant, c’est la Russie qui a exercé la plus forte pression sur l’Arménie. C’est un fait inévitable étant donné la dépendance économique, politique et militaire de l’Arménie à l’égard de la Russie. La nouveauté, c’est que les dirigeants arméniens ne sont plus disposés à se plier aveuglément aux désirs et aux ordres russes qui bafouent la souveraineté de leur pays. Lorsque les intérêts de l’Arménie sont en jeu, Pachinian n’a jamais craint ni de critiquer l’Union européenne ni de réaffirmer la souveraineté de l’Arménie lors de ses discussions avec le président russe, Vladimir Poutine. Si les États-Unis veulent se rallier l’Arménie, mieux vaut lui offrir la carotte plutôt que le bâton. Comme le dit le proverbe, on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre ! 
 
Le second événement stupéfiant de la semaine a été la déclaration du ministre arménien de la Défense, Davit Tonoyan, lors de sa visite aux États-Unis. « En tant que ministre de la Défense, je déclare que nous avons reformulé l’approche « territoires contre la paix » par « nouvelle guerre en échange de nouveaux territoires », a annoncé Tonoyan le 29 mars à New York, lors d’une rencontre avec des membres de la communauté arménienne. « Nous allons nous débarrasser des tranchées et de cette position défensive persistante. Nous allons augmenter le nombre d’unités militaires pour pouvoir transférer les opérations militaires sur le territoire de l’adversaire », a déclaré Tonoyan. Nous ne céderons rien. 
Si d’aucuns peuvent trouver bellicistes les paroles du ministre arménien de la Défense, en réalité, Tonoyan ne fait que riposter aux milliers de menaces lancées au fil des années par le président Aliyev, pour conquérir Meghri et même Erevan, la capitale de l’Arménie. Il est temps que les dirigeants arméniens agissent d’une manière forte, et non faible. 
 
De toute évidence, Aliyev n’est pas prêt pour la guerre. Sinon, il aurait déjà attaqué. Ses menaces ne devraient pas être prises au sérieux. Il est approprié de le faire taire avec des contre-menaces, et si cela est nécessaire, avec des attaques préventives ! 
Le ministre arménien de la Défense envoie un signal clair au président de l’Azerbaïdjan ; celui de ne pas s’embarquer dans une aventure insensée. Sinon, ses pipelines et ses puits de pétrole pourraient être la cible d’attaques, ce qui ruinerait l’économie du pays et renverserait le régime. Le fait que ce message percutant soit envoyé à l’Azerbaïdjan, au moment où le ministre arménien de la Défense se trouve sur le territoire américain, est significatif. 
 
 
De Harut Sassounian 
The California Courier 
  -   Articles et analyses