Les déclarations controversées du Premier ministre Pachinian aux journalistes turcs


Les déclarations controversées du Premier ministre Pachinian aux journalistes turcs

  • 26-03-2025 11:52:08   | Arménie  |  Un commentaire

 

Harut Sassounian
www.TheCaliforniaCourier.com

Cette semaine, j'ai appris que le gouvernement arménien avait dépensé 7,5 millions de drams (environ 19 000 dollars) pour couvrir les frais de transport, d'hébergement et de repas de 10 journalistes turcs invités à Erevan pour interviewer le Premier ministre Nikol Pachinian. Bien que la somme soit modeste, prendre en charge leurs dépenses va à l'encontre de l'éthique journalistique.

J'ai également découvert qu'avant l'interview, les assistants du Premier ministre avaient confisqué les téléphones portables et caméras des journalistes turcs pour les empêcher d'enregistrer l'entretien. Seul le bureau du Premier ministre a effectué l'enregistrement. Cette manière de traiter les journalistes est aussi inhabituelle qu'inacceptable.

Un détail troublant : le journaliste turc Farhat Boratav a noté que « les cabines [de police] à l'aéroport d'Erevan ont été importées de Turquie via la Géorgie ».

Les propos de Pachinian sur le Génocide arménien

Un journaliste turc a demandé :

« Pourquoi évoquez-vous si souvent le thème du Génocide arménien ? Quel but poursuivez-vous, tant auprès de vos citoyens qu'au sein de la diaspora ? »

Pachinian a répondu :

« Je considère que les leçons de l'histoire doivent servir les intérêts de l'État et de l'avenir de la République d'Arménie. D'ailleurs, ce débat est mûr en Arménie comme dans la diaspora... pas seulement dans un contexte régional. La question est : à quoi sert l'histoire ? Les conflits historiques doivent-ils devenir éternels ou servir de fondement à un avenir pacifique et stable ? Je privilégie la seconde approche. »

Un autre journaliste turc a interrogé :

« Vous parlez d'"arménisation interne du génocide". Quel impact a cette question sur les relations arméno-turques ? Est-ce désormais du passé ? L'Arménie menait auparavant une politique de reconnaissance par les parlements étrangers. Cette politique sera-t-elle abandonnée ? Par ailleurs, votre Constitution mentionne l'Arménie Occidentale et le génocide. Si elle est amendée, ces références disparaîtront-elles ? »

Pachinian a déclaré :

« La reconnaissance internationale du Génocide arménien n'est plus une priorité de notre politique étrangère. »
Puis il a ajouté (en évitant le terme "génocide") :
« Pour l'Arménie et les Arméniens, c'est une vérité incontestable. Nous ne pouvons la nier, mais là n'est pas la question. »
Il a ensuite minimisé la reconnaissance, arguant que lorsque des pays lointains reconnaissent le génocide, après l'euphorie, une question subsiste :
« Qu'est-ce que cela apporte à nos relations avec nos voisins ? Comment cela favorise-t-il la stabilité régionale ? »

Erreurs historiques et tendances inquiétantes

  • Pachinian a affirmé à tort que « lors de cette tragédie, la République d'Arménie n'existait pas ». Il ignore apparemment que le Génocide arménien (1915-1923) a eu lieu alors que la Première République existait (1918-1920).

  • Sa question « qu'a apporté la reconnaissance par des pays lointains ? » est surprenante. Sans la lutte de la diaspora, le monde aurait oublié ce crime — pour le plus grand plaisir de la Turquie.

  • Il a déclaré que l'Arménie devait faire la paix avec ses voisins, pas avec l'Australie ou le Brésil, sans comprendre que la vraie paix exige la vérité historique, pas le révisionnisme.

  • Il a ridiculisé l'Arménie Occidentale, la réduisant aux « villes occidentales de l'Arménie actuelle », et affirmé que « les frontières géographiques n'existent plus à l'ère d'internet », justifiant ainsi des concessions territoriales.

Réactions des journalistes turcs

Les médias turcs ont présenté l'interview sous un jour favorable, soulignant la « position conciliante » de Pachinian sur le génocide et son renoncement aux revendications territoriales.

Pire : le journaliste CNN Türk Idris Arkan, devant la Mosquée bleue d'Erevan, a affirmé à l'antenne que ce monument persan était « turc », qualifiant Erevan de « ville historique turque ». Voilà comment il a « remercié » Pachinian pour ce voyage entièrement payé.


Conclusion

Ces déclarations de Pachinian menacent les intérêts nationaux de l'Arménie :

  • Il évite le mot "génocide", lui préférant "crime", "tragédie" ou "histoire".

  • Il balaie des décennies de lutte de la diaspora, jugeant la reconnaissance "non prioritaire".

  • Il fait preuve d'ignorance historique, oubliant la Première République.

  • Il cède à la Turquie, reniant l'Arménie Occidentale et la politique de reconnaissance.

Ces reculs affaibliront l'Arménie dans les futures négociations et aiguiseront les appétits d'Ankara.

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