À l’heure où l’Arménie est confrontée à une menace existentielle, on pourrait s’attendre à ce que la priorité absolue du Premier ministre Nikol Pashinyan soit de défendre les intérêts du pays. Malheureusement, il se préoccupe du célibat du clergé, une question qui ne relève pas de la compétence du gouvernement et qui viole la Constitution arménienne, qui consacre la séparation de l’Église et de l’État.

 

Je pense que Pashinyan soulève la question du célibat du clergé pour des raisons égoïstes :

 

Premièrement, son véritable objectif est de remplacer le Catholicos Karékine II par un pasteur plus docile. Le Catholicos avait demandé la démission du Premier ministre suite à sa gestion désastreuse de la guerre avec l’Azerbaïdjan en 2020.

 

Deuxièmement, il tente de détourner l’attention du public de ses nombreuses lacunes gouvernementales.

 

Troisièmement, s'il s'intéressait réellement au célibat du clergé, il n'aurait pas dû l'évoquer en tant que Premier ministre lors d'une réunion gouvernementale, mais en tant qu'opinion personnelle d'un membre de l'Église.

 

Enfin, son erreur majeure réside dans le fait d'accuser le Catholicos d'avoir engendré un enfant sans aucune preuve – un cas flagrant de diffamation qui lui confère le droit d'engager des poursuites pour diffamation. Une enquête éthique a déjà été ouverte suite aux propos de Pashinyan.

 

En réponse, le Conseil spirituel suprême d'Etchmiadzine a publié une déclaration cinglante condamnant la campagne du Premier ministre contre l'Église arménienne, la qualifiant de « pleine de blasphèmes et de langage obscène, et dénuée des normes fondamentales de la décence ».

 

Néanmoins, Pashinyan a poursuivi sa tirade scandaleuse contre le clergé, publiant plusieurs messages quotidiens sur sa page Facebook, notamment :

 

« Nous sommes en fait d'accord sur la nécessité de résoudre le problème des blasphémateurs “Srpazans” [Éminences] ».

 

« S'il s'avère que Karékine II a effectivement violé son vœu de célibat et a un enfant, il ne peut être le Catholicos de tous les Arméniens… »

 

« Le Saint-Siège d'Etchmiadzine doit clarifier si Karékine II a violé son vœu de célibat et a un enfant. Cette question doit être clarifiée sans délai. »

 

« À mon avis, le Catholicos de tous les Arméniens est une autorité incontestable, un défenseur indéfectible de la justice, une source incontestable de vérité. Je ne peux pas croire que le Catholicos de tous les Arméniens puisse jouer le rôle de répresseur de la vérité. Je ne peux pas croire que rien d'autre que la vérité puisse sortir de sa bouche. Que Karékine II lui-même clarifie s'il a violé son vœu de célibat et s'il a un enfant. Nous, ses fidèles, avons le droit d'entendre la vérité de sa bouche. »

 

« Que signifie le silence de Karékine II ? Nous, ses ouailles, attendons ses éclaircissements publics concernant sa violation de son vœu de célibat et sa procréation. Garder le silence revient à consentir et à s'exclure de la résidence du Patriarcat. Dire la vérité revient également à s'exclure de la résidence du Patriarcat. Mentir revient également à s'exclure de la résidence du Patriarcat ».

 

« L'État (le gouvernement) appartient au peuple. L'Église appartient au peuple. Nous avons restitué l'État (le gouvernement) au peuple. Nous restituerons également l'Église au peuple.»

 

Le journaliste Norayr Mardirosyan a encore brouillé les pistes en publiant un article dans le journal Hrabarag intitulé : « Pachinian trompe-t-il sa femme ?» Il a déclaré : « Il y a quelques années, des rumeurs circulaient selon lesquelles Pachinian était enfermé dans son bureau pendant des heures avec sa porte-parole, tandis que des bruits étranges provenaient de l'intérieur. » Il a affirmé répondre de la même manière aux accusations de Pashinyan contre le Catholicos, ajoutant que « si le Premier ministre peut affirmer l'existence de telles rumeurs, que le Catholicos les réfute », alors la même question pouvait être posée à Pashinyan. Mardirosyan a même affirmé que l'épouse de Pashinyan avait découvert sa liaison et avait tenté de faire licencier la porte-parole. Le journaliste a conclu : « Nous, ses électeurs, attendons ses éclaircissements publics concernant sa violation de la fidélité conjugale. Garder le silence ou mentir revient à s'exclure des normes morales. »

 

Outre son reportage basé sur des rumeurs, Mardirosyan a commis une erreur en désignant Anna Hakobyan comme « l'épouse » du Premier ministre. Pashinyan a clarifié son statut matrimonial lors d'une diffusion en direct sur Facebook le 18 décembre 2024, assis à côté d'Anna : « Nous ne sommes pas mariés légalement. Nous ne sommes mariés ni par l'état civil ni par l'Église. Il n'existe aucun document officiel. » Néanmoins, le site web officiel du Premier ministre affirme à tort qu'il est « marié ».

 

Le Premier ministre n'a pas apprécié que Mardirosyan lui donne sa propre dose de médecine. Sur sa page Facebook, Pashinyan a menacé : « Je vais certainement poursuivre le journal Hrabarag en justice afin de prouver que la famille et la vie spirituelle sont pour moi des valeurs et des principes, et non des moyens de tromper le peuple. À cette occasion, j'insiste également sur le fait que le Catholicos Karékine II a violé son vœu de célibat et a un enfant. Que Karékine II me poursuive également en justice afin de prouver son adhésion aux valeurs déclarées et son statut de Catholicos. P.-S. : L'Église apostolique arménienne est sacrée. Elle est notre identité. Nous ne devons plus tolérer ceux qui profanent sa sainteté.»

 

Enfin, Pashinyan s'est indigné d'apprendre que l'ancien président Levon Ter-Petrossian avait rendu visite au Catholicos Karékine II le 7 juin. Lors de cette rencontre, l'Église a rapporté que « le président a exprimé son soutien total à Sa Sainteté, tout en condamnant fermement les atteintes inconstitutionnelles des autorités de la République d'Arménie à l'Église arménienne, vieille de 1700 ans ».

 

Pashinyan a réagi avec colère en proférant des accusations totalement inappropriées : « Levon Ter-Petrossian est le fondateur de la fraude électorale en République d'Arménie, et il doit, bien entendu, soutenir un fraudeur et un imposteur aussi haineux que lui.» Il convient de noter que Pashinyan était autrefois le bras droit et le fervent partisan de Ter-Petrossian.

 

Le Premier ministre n'est guère en position de donner des leçons de morale, surtout lorsque la lecture de son livre, « L'autre côté de la terre », révèle un ouvrage au contenu pornographique et une véritable avalanche de propos grossiers et obscènes.

 

Il ne fait aucun doute que tous les ecclésiastiques, quel que soit leur rang, doivent respecter les normes morales les plus élevées de l'Église, y compris le vœu de célibat. Cependant, il est tout aussi impératif que le Premier ministre arménien respecte la Constitution et s'abstienne d'intervenir dans des affaires qui ne relèvent pas de sa compétence, notamment compte tenu de son statut matrimonial et de son incapacité à gérer les affaires de l'État.

 

 

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