Harut Sassounian.Une enquête doit aussi être menée sur Hastert et les accusations de corruption turque


Harut Sassounian.Une enquête doit aussi être menée sur Hastert et les accusations de corruption turque

  • 08-06-2015 15:19:55   | USA  |  Articles et analyses

La semaine dernière, des procureurs fédéraux ont inculpé l’ex-président de la Chambre américaine, Dennis Hastert, qui a : 
 
1) Menti au FBI sur les motifs des retraits d’argent à hauteur de 1,7 million de dollars, qu’il a effectués dans diverses banques au cours de ces quatre dernières années. 
2) Contourné les obligations bancaires de déclarations de transactions importantes en espèces. 
 
Chaque chef d’accusation entraîne une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et de 250000 dollars d’amende. 
 
L’acte d’accusation porte sur le fait qu’en 2010 Hastert a rencontré en secret l’un de ses anciens étudiants et a accepté de lui verser 3,5 millions de dollars pour s’assurer de son silence sur un « comportement inapproprié dans le passé », survenu lorsqu’il était entraîneur de lutte à l’école Yorkville High School, Illinois, de 1965 à 1981. Depuis cette rencontre, Hastert, 73 ans, lui a payé 1,7 million de dollars en effectuant d’abord des retraits de 50000 dollars à la fois dans des banques différentes, mais après avoir été interrogé par des responsables des banques, il a réduit les montants des retraits à moins de 10000 dollars, pour contourner les obligations bancaires de déclarations. 
 
En décembre 2014, lorsque le FBI lui a demandé pourquoi il avait effectué des retraits en espèces aussi importants, Hastert a fourni des « explications trompeuses, erronées et frauduleuses », ont déclaré les procureurs fédéraux. Hastert versait ces sommes à son ancien étudiant pour cacher le fait qu’il l’avait abusé sexuellement il y a des décennies, selon diverses dépêches. 
 
L’inculpation de Hastert intéresse particulièrement la communauté arméno-américaine, car d’anciennes accusations portaient sur le fait qu’il avait reçu d’importants pots-de-vin d’entités turques, afin de bloquer des résolutions sur le génocide arménien, lorsqu’il était le président de la Chambre des Représentants de 1999 à 2007. Le gouvernement américain n’a jamais complètement enquêté sur ces faits. Après avoir quitté le Congrès, Hastert a travaillé pour Dickstein Shapiro à Washington, D.C., en tant que lobbyiste pour la Turquie et d’autres clients. 
 
Paradoxalement, au début de sa carrière politique, le député Hastert avait fermement soutenu la reconnaissance du génocide arménien. Le 19 avril 1984, il s’était adressé à la Chambre et s’était déclaré en faveur d’une résolution reconnaissant le génocide arménien. Le 5 juin 1996, il avait voté pour un amendement visant à couper l’aide américaine à la Turquie, tant que ce pays ne reconnaîtrait pas le génocide arménien. De plus, en août 2000, Hastert, alors président de la Chambre, avait rencontré les responsables de la communauté arménienne à Glendale, et promis de faire adopter la résolution en attente sur le génocide arménien, malgré les objections véhémentes du président Clinton. 
 
Cependant, peu avant que la résolution sur le génocide soit mise aux voix le 19 octobre 2000, le président Hastert a retiré l’examen de la motion, au prétexte que le président Clinton lui avait envoyé une lettre mentionnant « de graves préoccupations sur la sécurité nationale. » Comment se fait-il que le président républicain de la Chambre, qui s’opposait férocement au président démocrate Clinton sur presque toute question et avait soutenu sa destitution, décide soudain d’être d’accord avec lui pour rejeter la résolution sur le génocide arménien ? Quatre jours plus tard, le journal turc Sabah rapportait que Hastert avait accepté de bloquer la résolution à condition que le président Clinton présente cette requête par écrit. 
 
Y aurait-il eu une raison sinistre à cette soudaine volte-face de Hastert sur la question du génocide arménien ? 
 
Dans son édition de septembre 2005, le magazine Vanity Fair révélait que l’ex-traductrice du FBI, Sibel Edmonds, avait étudié les enregistrements téléphoniques turcs, indiquant que le prix à payer au président de la Chambre, Hastert, pour le retrait de la résolution sur le génocide arménien serait d’au moins 500000 dollars. Le FBI avait entendu des interlocuteurs turcs se vanter d’avoir « organisé le paiement de dizaines de milliers de dollars en petits chèques pour financer la campagne électorale de Hastert », car les contributions de moins de 200 dollars n’ont pas à être listées dans les déclarations. De fait, l’examen effectué par Vanity Fair des déclarations fédérales de 1996 à 2002 a montré qu’il avait reçu près de 500000 dollars pour sa campagne, en paiements non-listés. 
 
Le plus choquant, c’est qu’au lieu de mener une enquête sur les accusations crédible d’Edmonds, le FBI l’a licenciée et le gouvernement américain ne l’a pas autorisée à témoigner au Congrès ou dans un tribunal, invoquant comme couverture le « privilège du secret d’État ». 
 
 
Sans surprise, les voyages du président de la Chambre, Hastert, en Turquie en 2002 et 2004, ont été financés par le Turkish-US Business Council. Par conséquent, en juillet 2004, Hastert a fait une déclaration directe, promettant de bloquer toutes futures résolutions sur le génocide arménien – une promesse qu’il a tenue jusqu’à son départ de la Chambre en 2007 ! 
 
Il est intéressant de noter que la fortune personnelle de Hastert est passée de 270000 dollars à 17 millions pendant ses deux décennies de mandat au Congrès, où son salaire s’élevait à 175000 dollars par an ! Mais d’où proviennent ses millions ? 
 
Six mois après avoir quitté la Chambre, Hastert a commencé à récolter les bénéfices tirés de sa défense des intérêts turcs au Congrès en intégrant l’entreprise de Dickstein Shapiro en tant que lobbyiste représentant le gouvernement turc et d’autres clients. Il a travaillé en collaboration avec l’ancien leader de la majorité à la Chambre, Dick Gephardt, se rendant parfois avec lui en Turquie et se partageant des millions de dollars d’honoraires lucratifs de lobbying. La semaine dernière, immédiatement après l’annonce de l’inculpation fédérale, Hastert a démissionné de l’entreprise de lobbying. 
 
Une enquête complète devrait à présent être menée sur toutes les allégations à l’encontre de Hastert, qui ont été bien trop longtemps ignorées. Les Américains sont en droit de savoir s’il a reçu des pots-de-vin ou pire encore si des entités turques l’on fait chanter durant son mandat de président de la Chambre, cette position étant la troisième en ordre de puissance à Washington, après le président et le vice-président ! 
 
 
Harut Sassounian 
The California Courier 
 
 
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